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administrative qui a simplement pour objet de constater l’état d’une propriété à un certain moment. Sans doute, l’inventaire pourrait entraîner des taquineries dans l’exécution, mais rien ne les faisait prévoir, et le gouvernement actuel ne se les était pas proposées. Sans doute, il pourrait servir plus tard à rendre la spoliation plus facile, mais est-il sage de susciter un mal immédiat pour échapper à un mal éventuel, hypothétique et lointain ? Si on en venait jamais à une persécution véritable, accompagnée de confiscation, ce n’est pas l’absence d’inventaires qui empêcherait les excès de cette détestable politique. Pour le moment, il ne s’agit de rien de pareil. Mais, dit-on, l’inventaire est en soi un acte de suspicion, et nous avons entendu demander si un simple citoyen, ayant le sentiment de sa liberté et de sa dignité, supporterait qu’on vînt en faire un chez lui. Il faudrait bien qu’il le supportât, ou plutôt il faut bien qu’il le supporte dans un très grand nombre de cas où l’inventaire est rigoureusement prescrit par nos lois civiles. Qui a jamais songé à y faire obstacle ? Qui a surtout jamais songé à y voir un acte arbitraire et vexatoire ? Peut-être n’était-il pas indispensable dans le cas actuel. M. Briand a rappelé à la Chambre que la loi de séparation ne l’avait pas prévu dans sa rédaction première : il y a été introduit à la demande d’un membre de la minorité, sans que personne se doutât que cette outre d’Éole renfermait tant d’orages futurs. Il a paru conforme à l’intérêt général qu’une transmission de propriété ne s’opérât pas en dehors de cette garantie. Or les biens des églises, par le fait de la loi de séparation, vont changer de mains. Ils appartiennent aux fidèles, nul ne le conteste ; mais ils étaient administrés jusqu’ici par les fabriques et ils le seront désormais par les associations cultuelles. C’est la justification de l’inventaire. Il est en lui-même très innocent : les circonstances seules en ont fait le bouc émissaire sur lequel on s’est si violemment acharné. Les malheureux agens des domaines qui venaient y procéder se présentaient à la porte des églises sans arrogance et sans mauvais dessein. Il fallait une imagination vraiment exaltée pour voir en eux autant d’Héliodores prêts à piller les trésors du temple. Les instructions qu’ils avaient reçues étaient très conciliantes. On en avait eu l’assurance publique et la preuve au sujet des tabernacles qui renferment les vases sacrés. A la pensée qu’ils pourraient être violés, que les serrures pourraient en être forcées, les consciences catholiques s’étaient révoltées. M. Grousseau, M. l’abbé Gayraud avaient déposé des interpellations ; mais ils n’ont pas eu besoin de les développer et ils les ont retirées, le Gouvernement ayant tout de suite