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ponsabilité d’un homme qui aurait commis un acte criminel sous l’influence irrésistible d’une suggestion, ce serait plonger la société dans l’anarchie des crimes impunis. » Et, tous les jours encore, quand un expert conclut à une responsabilité atténuée, le ministère public pose la question : « Feriez-vous interner le sujet dans un asile d’aliénés ; » et, si le médecin répond : « Non, » l’avocat général se retourne triomphant vers le jury et déclare qu’il faut condamner cet homme, sans tenir compte des conclusions de l’expertise médicale.

La vérité est cependant la suivante : le demi-fou coupable ne doit pas être envoyé au bagne comme un psychique normal, et ne doit pas être envoyé à l’asile comme un fou. Que faire donc ? Comment la société doit-elle se garantir contre ce demi-fou nuisible et dangereux ?

La question préoccupe tout le monde, dans tous les pays. Elle ne peut se résoudre que par la création des asiles spéciaux qui sont demandés partout et n’existent nulle part.

Dans les « demi-infirmes, » sur lesquels le docteur Babinski a si opportunément attiré l’attention, dans « les épaves de la vie » pour lesquelles Jacques Dhur a éloquemment plaidé, il faut comprendre les « mutilés du cerveau, » les invalides de la pensée, les demi-fous. Le docteur Marie et tous les aliénistes, Pierre Baudin et tous les sociologues demandent les asiles spéciaux. Roubinovitch le dit très bien : « La grande majorité de ceux qui ont le mieux étudié ce problème (et je fais allusion ici aux membres de la Société générale des prisons) est d’avis que les détraqués irréductibles devraient, par décision judiciaire, et pour une durée indéterminée, être placés dans des établissemens créés pour eux. » Ce sont les « asiles de sûreté » du docteur Garnier, les casa di custodia des Italiens.

En Allemagne, von Liszt a proposé qu’il y eût des pénalités amoindries pour les défectueux de l’intelligence. Cette proposition a été très discutée et, comme le fait remarquer la Semaine médicale, elle n’a plus de raison d’être, aujourd’hui que « tout le monde est d’accord pour réclamer les asiles de sûreté nécessaires et suffisans pour mettre les demi-fous dans l’impossibilité de nuire. »


En somme, je résumerai dans les trois points suivans les devoirs de la société vis-à-vis des demi-fous :