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plus un homme normal, puisque entre Paris et Brest il avait agi sans conscience, sans mémoire et sans responsabilité.

Les degrés et les variétés de la demi-folie sont tellement nombreux et différens que, dans un article comme celui-ci, on ne peut en donner que la définition médicale suivante : les demi-fous sont des sujets que l’on ne peut, sans une égale erreur et une égale injustice, classer ni parmi les fous irresponsables ni parmi les psychiques normaux et responsables.

Reste une grosse question que je dois au moins indiquer : celle des devoirs de la société vis-à-vis des demi-fous.


VI


Des pages précédentes il résulte : d’une part, que les demi-fous sont des malades et qu’il faut les soigner ; de l’autre, que les demi-fous ne sont pas toujours des non-valeurs sociales, qu’il ne faut pas les traiter comme les fous et les supprimer de la vie publique et libre en les interdisant et en les internant purement et simplement dans des asiles d’aliénés.

À ces considérations déjà indiquées il convient d’en ajouter une autre qu’il est tout aussi facile d’établir et dont l’importance est capitale pour permettre de préciser les droits et les devoirs de la société vis-à-vis des demi-fous : c’est la notion de la nocivité des demi-fous.

Les demi-fous sont souvent nuisibles à leurs semblables, certains même sont dangereux, soit pendant toute leur vie, soit du moins à certaines périodes de leur évolution morbide. Ils peuvent d’abord être nuisibles, sans commettre rien d’illégal ou de délictueux, par le seul exercice régulier de leurs droits d’homme libre. Ils peuvent notamment nuire à leur prochain et à la société en se mariant, en créant une famille, en ayant et en élevant des enfans…

En second lieu, les demi-fous sont parfois nuisibles en commettant des délits et de véritables crimes : ils incendient, volent, violent, martyrisent ou assassinent.

Roubinovitch le dit excellemment : « Sous les dehors d’une lucidité apparente et trompeuse, il y a chez eux une conscience superficielle sans consistance et surtout une volonté de cire qui n’arrive pas à dominer les désirs et les bas instincts. Quand ces derniers les talonnent, comme les limiers féroces et cruels dont