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peut être intelligent et déraisonnable, qu’un talent et même un génie peut manquer de bon sens.

Au point de vue de la maladie des centres psychiques, on comprend aussi qu’il y ait trois groupes de faits cliniques : 1o des faits dans lesquels les centres psychiques les plus élevés sont atteints en assez grand nombre pour que le sujet soit fou ; 2o des faits dans lesquels les divers centres psychiques sont assez intacts pour que le sujet soit raisonnable ; 3o des faits dans lesquels une partie seulement des centres psychiques et des centres les moins élevés est atteinte. Dans ce dernier cas, l’altération psychique n’est pas assez étendue pour amener la folie ; elle est cependant suffisante pour que le fonctionnement psychique ne soit pas toujours normal, et ce sont les demi-fous.

En d’autres termes, la notion actuelle des centres psychiques oblige à admettre deux catégories de malades : les mentaux et les psychiques. Les mentaux ont perdu la raison, la volonté libre et consciente, l’intellectualité supérieure : ils sont fous. Les psychiques n’ont pas perdu tout ce qui fait la raison et la pensée supérieure, mais ils sont cependant troublés dans leur psychisme qui n’est pas normal ; ils sont demi-fous. Donc, d’un côté il y a les normaux, et de l’autre il y a les malades ; mais parmi ceux-ci il faut distinguer les mentaux qui sont les fous et les psychiques qui sont les demi-fous.


L’existence, scientifiquement démontrée, des demi-fous entraîne l’existence des demi-responsables.

Je continue à ne m’occuper ici que du cerveau, ne voulant pas sortir de mon rôle et de ma compétence de médecin, et ne m’occuperai par conséquent que de la responsabilité médicale et pas du tout de la responsabilité morale.

Le médecin-expert, quelles que soient ses opinions philosophiques ou ses convictions religieuses, n’a à examiner et à décider qu’une chose : l’état d’intégrité ou de maladie du système nerveux et l’influence que cet état du cerveau a pu avoir sur la détermination criminelle qu’a prise et exécutée le sujet.

Dans tout acte criminel voulu et délibéré il y a un jugement dans lequel l’esprit compare et pèse le plaisir ou l’intérêt qu’il a à faire cet acte et le devoir qu’il a de ne pas le faire. Parmi ses mobiles il y a donc la notion du devoir (quelles qu’en soient l’origine et la nature), la notion de ce qui est permis et de ce