Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/899

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il serait fâcheux en vérité de voir des jurés ou des magistrats attacher quelque importance à des boutades de ce genre ou même à la théorie que cet article reflète et qui est scientifiquement fausse. Pour que cette conception des deux blocs fût scientifiquement défendable, il faudrait que les centres psychiques, l’appareil nerveux qui préside à l’exercice de la raison et à la volition des actes consciens, fussent eux-mêmes un tout un et indivisible. Alors on pourrait dire : cet appareil, un et indivisible, est malade ou il ne l’est pas ; s’il est malade, le sujet est fou et irresponsable ; s’il ne l’est pas, le sujet est raisonnable et responsable. Mais cet appareil nerveux du psychisme n’a pas du tout cette unité ni cette indivisibilité. Notez bien que je parle ici uniquement du cerveau, de l’organe matériel nécessaire à l’exercice actuel de la pensée humaine. Je ne parle pas du principe immatériel et immortel que certaines religions et certaines philosophies admettent sous le nom d’âme. Les spiritualistes les plus convaincus admettent bien que la folie est une maladie, non de l’âme, mais du corps. L’étude en appartient aux médecins, qui ne connaissent et n’étudient que le corps, et qui trouvent souvent chez ces malades des lésions matérielles du cerveau. Je n’examine donc ici qu’une question de pure physiologie : les diverses écoles religieuses et philosophiques ne chercheront dans cette étude ni confirmation ni réfutation de leur doctrine. Ainsi posé, le problème me paraît alors facile à résoudre : il est certain que l’appareil nerveux qui préside à la pensée et à la responsabilité est un appareil complexe, formé d’un grand nombre de neurones divers et de divers groupemens de neurones (centres psychiques) qui ont une importance différente dans l’exercice de la raison.

Certains auteurs (Pitres, Surbled) ont bien dit que les centres psychiques ne sont pas localisables. C’est là une erreur, qui repose sur une confusion de mots. On peut dire que les divers centres psychiques ne sont pas encore tous étroitement et nettement localisés ; il y a certainement beaucoup à faire et à trouver encore dans cette voie, mais on ne peut pas dire qu’il n’y ait rien de fait et surtout qu’il n’y ait rien de faisable.

On sait très bien et sûrement que, dans le système nerveux, dans les centres nerveux, c’est le cerveau qui préside plus spécialement à la pensée et que, dans le cerveau, c’est l’écorce grise de cet organe, qui est plus particulièrement en rapport avec la