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s’agît d’une orpheline, unique héritière de sa maison, nous ne rencontrons plus de dots qui dépassent 100 000 francs et nous en trouvons souvent de 20 000. Dans la haute chevalerie de cette même province de Lorraine, 60 000 francs étaient une dot fort recherchée au XVe siècle. C’est là ce qu’apporte à son époux la femme de Pierre de Bauffremont. Catherine de Haraucourt, mariée à Jean de Ludres en 1389, ne recevait que 39000 francs. Le taux de l’intérêt étant alors de 10 pour 100, ces dots sont d’un revenu plus considérable qu’elles ne seraient de nos jours. Mais la chose est sans importance dans le rapprochement fait ici avec les capitaux actuels, qui eussent aussi rapporté jadis plus du double.

La fille du vicomte de Montélimar, en 1262, a 74 500 francs ; la femme du seigneur de Duras 71 000 francs, en 1373 ; celle du seigneur de Gourdon 17 500 francs en 1314. Mlle de Gimel, fille d’un chevalier de l’Ordre, mariée en 1571 au fils du seigneur de Saint-Chamans, aussi chevalier de l’Ordre, a 84 000 francs. Elle reçoit en outre trois robes, l’une de velours, l’autre de damas, la troisième de taffetas, chacune avec sa « vasquine, » d’étoffe aussi riche et des passemens d’or et d’argent.

Les exemples qui précèdent viennent de gentilshommes copieusement possessionnés et parmi les mieux lotis du royaume. La moyenne noblesse ou la bourgeoisie nous ramène à des chiffres tout différens : 25 000 francs sont, dans cette classe, la dot maximum d’une fille, considérée dans sa ville ou sa province comme un bon parti ; la plupart ont de 8 à 10 000 francs, et beaucoup se marient avec moins de 2 000 francs. Le « châtelain, » — gouverneur du château, — de Montmirey prend pour femme (1316) une suivante de la Dauphine de Viennois, qui possède une dot de 320 francs. Aux XIVe et XVe siècles, dans le Midi, 500 francs étaient un capital très sortable pour les filles de marchands, « maîtres » de métier et autres petits citadins. On y joignait un lit « garni, » c’est-à-dire une couverture, 50 livres de plume et quatre ou six draps de toile. Les parens fournissaient aussi les habits de la noce et faisaient les frais, parfois fort onéreux, du repas qui l’accompagnait : dans l’un, on dépense 80 francs pour la viande, tandis que l’on ne donnait à la mariée que 750 francs.

Ces chiffres augmentèrent dans la deuxième moitié du XVIe siècle ; la classe des patrons, des fonctionnaires, des gens