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les grands seigneurs, et si le passif du prince de Guéménée atteignit 66 millions de francs, lors de sa faillite en 1783, cela ne prouve pas que cette branche de la maison de Rohan eût jamais possédé une pareille somme.

Le premier duc de Rohan, tige des Rohan-Chabot, qui posséda, sous Louis XIII, 780 000 francs de rente, était regardé comme un des plus opulens de son temps. A juste titre, car la catégorie des revenus inférieurs à un million et supérieurs à 500 000, qui, au moyen âge, comptait seulement quelques grands vassaux et qui se compose en 1905 de 1S0 personnes, ne comprenait guère, aux deux derniers siècles, qu’une quinzaine d’individus, dont 4 ou 5 prélats cumulateurs de grandes abbayes et trois ou quatre chefs de maisons illustres. A ceux-là, du reste, rien dans l’ancien état social ne garantissait la durée de cette supériorité, puisque le duc de La Trémoïlle n’avait plus en 1788 que 550 000 francs de rente, tandis que son aïeul, cent ans avant, en possédait plus du double.

Quant aux revenus, inférieurs à ceux qui précèdent, mais supérieurs à 200 000 francs ou atteignant au moins ce chiffre, l’on en compte environ 600 dans la France actuelle. Il n’y en avait sans doute pas plus de 70 dans la France monarchique, pas plus de 40 dans la France féodale.

On verra plus tard, par le détail des recettes dont se composaient les fortunes, combien était rare un budget de 200 000 francs et combien peu en approchaient. A côté des suzerains, propriétaires effectifs de grands fiefs, au moyen âge, leurs proches, frères ou enfans, n’ont que des revenus de bourgeois du XXe siècle. La pension annuelle du « Beau Dunois, » le bâtard d’Orléans, était en 1433 de 27 000 francs. Les princes légitimes n’étaient pas mieux rentes : le Comte d’Angoulême, petit-fils de Charles V et grand-père de François Ier, recevait 23 000 francs. La dépense annuelle de la Duchesse de Bourgogne, douairière, à Arras, était de 42 500 francs.

La dot de trois millions et demi donnée à sa fille par le Duc de Berry, dont nous avons parlé tout à l’heure, semble contredire cette assertion sur la médiocrité relative des cadets de familles régnantes. Et cette dot, à dire vrai, n’est pas la plus forte de celles que j’ai relevées du XIIIe au XVIe siècle. Celle de la princesse Marie, sœur du roi de Castille et de Léon, épousant le roi Alphonse d’Aragon en 1424, est de 13 600 000 francs.