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crois donc ces évaluations plutôt au-dessous de la réalité et assez solides en tous cas pour permettre un rapprochement sincère avec les chiffres du passé.

Or nous ne trouvons personne au moyen âge qui puisse être comparé aux 50 particuliers, formant les deux plus hautes catégories de nos revenus actuels. Personne, du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIe, n’a possédé plus de 5 millions de rente, ni même de 3 à 5 millions. Seule la dépense de saint Louis en 1251, année de croisade, atteint 3 880 000 francs ; mais ce total, très exceptionnel, ne se retrouve plus les années suivantes. Louis IX n’avait rien d’un prodigue ; la pension de la Reine, sa femme, pour ses dépenses personnelles, était, en 1261, de 40 000 francs. Maintes Parisiennes de nos jours reçoivent davantage de leur mari, dans des ménages qui possèdent un million de rente.

D’après les Comptes de l’Hôtel, en 1316, la dépense de Philippe le Long, l’un des derniers Capétiens directs, était de 2 650 000 francs, dont 1 700 000 francs pour la maison du Roi, 780 000 pour celle de la Reine et 170 000 pour les enfans de France. Peu après la fin de la guerre de Cent ans, en 1450, Charles VII, dans la seconde partie de son règne, se contentait d’un budget de 1 062 000 francs ; Louis XI, trente ans plus tard (1483), disposait pour sa maison d’une somme deux fois et demie plus forte : 2700000 francs ; tandis qu’au XVIe siècle, des princes réputés pour leur faste, ne consacrent à leur personne et à leur cour, François Ier que 1 280 000 francs (1516) et Henri II que 1 141 000 francs (1558).

D’ailleurs, si je rapporte ici les comptes de ces princes, c’est à titre d’indication des frais que pouvait exiger alors une existence royale ; ce ne sont guère des budgets comparables à celui d’un citoyen de 1905. Le Roi disposait du produit de l’impôt, et restait maître de confondre ce qu’il tirait de ses sujets comme « souverain » et ce qu’il touchait de ses domaines comme « propriétaire. » Au XIVe siècle, où le budget de la France, sous Philippe de Valois (1335), atteignait 35 millions de francs, le revenu personnel du monarque s’élevant à 2 650 000 francs, représentait environ 8 p. 180 des recettes de « l’État. » Seulement alors il n’y avait guère d’ « État. » Trois siècles plus tard, à l’avènement de Louis XIV, le budget du royaume était monté à 450 millions et le budget du Roi à 21 millions de francs.

Cette « liste civile, » un peu inférieure aux 25 millions dont