Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des amis éloignés et, en conséquence, de trouver bon que j’exige de vous de prendre le grand air, pas longtemps de suite, — cinq minutes suffisent pour le renouveler dans les poumons, — mais fréquemment, afin de ne pas tomber malade et d’être en état de soutenir une carrière longue peut-être et, je le crains du moins, de plus en plus douloureuse. » Répondant le même jour au Duc de Berry, en ce moment à Londres et qui a exprimé les mêmes craintes que lui pour la santé de son père, le Roi écrit : « Je l’exhorte à prendre l’air. Secondez-moi, mon enfant, je vous en donne la mission expresse. Empêchons-le, moi par mes conseils lointains, vous par vos supplications de tous les instans, de se rendre malade. »

Entre temps, l’état de Mme de Polastron s’aggrave. L’espoir auquel le Comte d’Artois se rattachait encore s’écroule de jour en jour. « La cruelle maladie suit son cours, mande-t-il le 6 mars. On cherche à en ralentir les terribles progrès. Mais je ne puis ni dois me faire aucune illusion et mon malheur n’est que trop certain. Croyez qu’il n’y a que moi qui puisse apprécier tout ce que je suis destiné à perdre. » Le 16, il ajoute : « L’état de Mme de Polastron est toujours le même ; elle est peut-être un peu plus calme ; mais il ne m’est pas permis de me flatter en rien. »

Cette lettre vient de partir quand il en reçoit une du Roi où il ne peut lire sans larmes ces lignes compatissantes : « Songez à moi comme à un cœur à vous, qui sent, qui partage toutes vos peines, qui voudrait les adoucir. J’ose à peine vous donner des commissions, mais, si vous parlez quelquefois de moi, dites à la malade que je l’aimais, mais qu’à présent, je l’admire, je la respecte. » Le Comte d’Artois communique à son amie ces consolations. Elle en est toute remuée, elle le charge de remercier le Roi et de lui donner l’assurance que la mort la trouvera résignée, confiante dans la miséricorde divine. En s’acquittant de ce triste message, le Comte d’Artois laisse voir qu’il commence à subir les influences de ces pensées religieuses auxquelles son amie doit d’avoir recouvré la paix intérieure. Sensible à cette confidence, le Roi n’est pas surpris du soulagement que ressent la chère malade : « Elle a pris le meilleur des remèdes pour tout le monde, mais surtout pour une âme comme la sienne. Puisse-t-elle en ressentir les mêmes effets au physique qu’au moral ! Et vous, mon ami, malgré la peine que je ressens pour vous, jugez