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leur apprend rien, on ne leur communique rien. À Paris, les agens royalistes sont dépourvus de moyens d’action. Arrêtés à Bayreuth comme le chevalier de Vernègues le sera bientôt à Rome, les membres de l’agence de Souabe sont prisonniers de la Prusse. Les émigrés qui sont rentrés dans leur patrie n’osent plus correspondre avec les princes, et ceux-ci, à qui leurs proches mêmes redoutent de paraître favorables, tant est grande la terreur qu’inspire Bonaparte, ne connaissent plus que par les journaux les événemens. C’est surtout de leurs affaires de famille, de ce qui concerne les partisans de plus en plus rares, restés fidèles à leur cause, qu’ils s’entretiennent dans leurs lettres, où les témoignages de tendresse semblent avoir remplacé les discussions naguère si vives de tant de plans maintenant condamnés, il n’y aurait donc que de rares fleurs à cueillir dans ce parterre assombri, si les malheurs privés dont est frappée la famille royale, ne donnaient à la correspondance un caractère poignant.

Au mois de mars 1802, le Roi et son frère perdent une sœur tendrement aimée, Clotilde de France, reine de Sardaigne. « Je conçois votre douleur, écrit le premier au second, el il vous est facile de comprendre la mienne. Nous étions donc destinés, vous et moi, à pleurer tous les nôtres. Mais, plus il se rompt de liens, plus ceux qui restent se resserrent. Je ne l’ai jamais mieux senti qu’en ce triste moment. » Durant les jours qui suivent, il prodigue des consolations à tous ceux que frappe ce malheur : la Reine sa femme, le roi de Sardaigne, le duc d’Aoste, l’infant de Parme, la princesse de Conti, d’autres encore, sans oublier la vieille comtesse de Marsan, qui avait élevé Madame Clotilde et devait, à quelques mois de là, la suivre dans la tombe. En cette même année, le prince de Lusace, fils du prince de Saxe, oncle du Roi, est tué en duel à Saint-Pétersbourg ; Madame Adélaïde, fille de Louis XV, meurt à Trieste. Depuis cinq ans, elle survivait à sa sœur Madame Victoire, « la première de notre famille, écrivait alors le Roi, qui n’ait pas péri de la main des scélérats. »

En dehors de ces deuils communs à toute la famille royale et dont la mort de la Comtesse d’Artois, pendant l’été de 1805, viendra clore la trop longue liste, il en est un autre qui, au mois de mars 1804, frappe au cœur son mari de qui, depuis si longtemps, elle vivait séparée. Nous voulons dire la mort de Mme de Polastron, l’amie de ce prince qu’elle a fixé, lui jadis si volage,