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enfans auprès de vous, croire ne me faire que de la peine, tandis que vous feriez à mon cœur la plus douloureuse des plaies, une plaie que les comparaisons aigriraient chaque jour, une plaie qui, hâtant le terme de ma vie, en couvrirait d’amertume les derniers instans. Ah ! vous n’en aurez pas le courage, vous sentirez au contraire que, plus que jamais, je vais avoir besoin de consolation, vous me laisserez ces chers enfans qui font toute la mienne, qui adoucissent mes peines lorsqu’ils ne me les font pas oublier. Promettez-le-moi, mon ami, écrivez-moi que vous ne me les enlèverez jamais ; je ne puis, dans les circonstances actuelles, songer, comme l’année dernière, au bonheur de vous revoir, mais ces circonstances peuvent changer, et je verrais encore dans le séjour de nos enfans auprès de moi le gage d’un si doux espoir.

« Adieu, mon ami, j’attends votre réponse, non pas avec inquiétude, je connais votre cœur, mais avec une impatience inexprimable ; je vous embrasse aussi tendrement que je vous aime. »


IV

A dater de ce moment, la politique, les projets d’avenir, tout ce qui jusque-là entretenait les espérances de Louis XVIII et du Comte d’Artois apparaissent de moins en moins dans leur correspondance. Le Concordat, la rentrée de la presque-totalité de l’épiscopat, l’attitude de Pie VII, la tentative que fait Bonaparte en février 1803, par l’intermédiaire de la Prusse, pour arracher à Louis XVIII son abdication, l’exécution du duc d’Enghien, la proclamation de l’Empire leur inspirent encore des commentaires indignés qui se transforment, suivant le cas, en protestations solennelles. Puis, quand ces choses sont accomplies, leurs espérances ajournées, ils ne sont plus en quelque sorte que les spectateurs d’événemens dans lesquels ils ont cessé de compter, spectateurs désenchantés, pour qui toutes les sources d’informations sont taries comme est détruite la possibilité d’en tirer parti.

Leurs représentans à l’étranger, La Fare à Vienne, le comte d’Escars, qui a remplacé, à Londres, le duc d’Harcourt décédé, Chastellux à Naples, Moustier, à Berlin, sont tenus en suspicion par les gouvernemens auprès desquels ils résident. On ne