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celles que le Cabinet britannique a données nu Comte d’Artois. Il ne croit pas que ce Cabinet se soit inspiré, comme il l’affirme, du souci de sa sûreté, de celle de son frère. Il est en Prusse avec le consentement, sous la protection du souverain de ce pays ; il en serait de même du Comte d’Artois, s’il y venait, et l’Angleterre ne peut soupçonner le roi de Prusse de vouloir violer dans leur personne le droit des gens. Il y a donc quelque autre motif qu’on n’a pas dit :

« Je ne m’épuiserai pas en conjectures à cet égard. Mais il est une réflexion que je ne puis me refuser à faire. Notre longue séparation donne beau jeu à nos ennemis pour calomnier notre tendresse mutuelle. Notre réunion, ne fût-elle que d’un jour, leur imposerait silence. N’est-il pas naturel de supposer que des intrigans auront persuadé au gouvernement britannique qu’il était de son intérêt de la retarder, et qu’il aura dit la première raison venue, ne pouvant dire la véritable ? Je dis retarder, car je ne puis me tenir pour battu, et quoique je sente bien qu’il n’y a rien à faire pour cette année, si, d’ici à l’année prochaine, les circonstances ne changent pas, il faudra renouveler vos démarches pour obtenir un agrément qu’à la longue, on ne peut vous refuser. »

A la tristesse que trahit le langage du Roi, il y a toutefois un allégement. Les circonstances qui clouent le Comte d’Artois à Edimbourg l’obligent lui-même à prolonger son séjour à Varsovie. Le Comte d’Artois n’a plus aucun motif pour lui enlever leurs enfans, et il espère fermement qu’il ne les lui enlèvera pas. N’empêche qu’il vivra désormais sous l’obsession de cette crainte. Elle le poursuivra sans cesse. L’année suivante, au moment où la Reine, après avoir pris les eaux de Tœplitz, va venir le rejoindre et ramener avec elle ces élémens de troubles domestiques dont, à Mitau, il a tant souffert, craignant que son frère ne prenne prétexte de ce retour pour appeler auprès de lui le Duc et la Duchesse d’Angoulême, il court spontanément au-devant de cette éventualité douloureuse afin de la conjurer.

« Vous connaissez trop elle et moi, pour ne pas sentir qu’en cette occasion, je ne fais qu’obéir à mon devoir, et pour imaginer que cette réunion puisse contribuer à mon bonheur, heureux si elle n’est pas un obstacle à ce qui m’en reste. Je craindrais d’autant plus que vous ne vous fissiez à cet égard une fausse idée, que vous pourriez peut-être, en songeant à appeler nos