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son attachement aux Bourbons de France, pratiquait à leur égard la doctrine du « chacun pour soi. » Réduit à traiter avec Bonaparte, il se montrerait sans doute peu disposé à leur accorder un asile si la protection d’un souverain puissant ne le protégeait contre le mécontentement qu’éprouverait le Premier Consul en le voyant recevoir dans ses États l’ennemi le plus ardent de la République. Ce souverain, dans la pensée de Louis XVIII, était tout indiqué. Le tsar Alexandre seul possédait assez de puissance pour faire aboutir ces démarches auprès du roi de Naples dont son père avait été l’allié. Louis XVIII projetait donc de s’adresser à lui. Mais le Tsar n’ayant pas répondu aux félicitations qu’il lui avait envoyées, lors de son avènement, et à une seconde lettre écrite depuis, il hésitait à donner suite à son projet.

Cette réponse, datée du 26 août, arriva enfin à Varsovie au commencement d’octobre. Quoique bien creuse quant au fond, elle était, dans la forme, d’une courtoisie flatteuse : « Monsieur le comte, il me serait infiniment douloureux d’apprendre que le long silence que j’ai gardé depuis la réception de votre première lettre ait pu, monsieur le comte, vous inspirer quelque doute sur la sincérité de mes sentimens pour vous. Vos vertus brillent d’un nouveau lustre dans l’adversité et vous assurent des titres imprescriptibles. Telle est aussi ma confiance dans votre justice et dans l’élévation de votre âme que je me flatte de ne pas vous voir méconnaître mes véritables dispositions et de me conserver la place que vous m’accordez parmi vos meilleurs amis. »

Au lieu de cette phraséologie pompeuse, le Roi eût certes préféré recevoir des promesses de secours. Mais, telle qu’était la lettre, il devait s’en contenter. Il lui parut cependant qu’elle lui ouvrait une voie pour présenter ses demandes. Il les formula, en ayant soin toutefois de les faire appuyer par le comte Panin, l’un des ministres du Tsar, des services duquel il avait eu lieu précédemment de se louer, et par le duc de Serra-Capriola, ambassadeur napolitain à Saint-Pétersbourg, dont le dévouement à sa cause ne s’était jamais ralenti.

Cette fois, le succès fut aussi rapide qu’éclatant. Le 25 janvier 1802, il apprenait par diverses lettres, dont une d’Alexandre, que des ordres étaient envoyés à plusieurs des ambassadeurs russes en Europe afin qu’ils invitassent officiellement les souverains à s’entendre entre eux à l’effet d’assurer, par la constitution d’un revenu fixe, le sort du roi de France. Un secours