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revenir. Mais, dans sa famille même, il en trouvait de non moins pénibles. Après avoir nourri l’espoir de marier le Duc de Berry à une fille du roi de Naples, il voyait ses projets renversés et ne pouvait se dissimuler que leur avortement était dû à la réputation d’inconduite du jeune prince, à sa légèreté. Grave cause de soucis que celle-là, et ce n’était pas la seule du même ordre.

En dehors du Duc d’Angoulême et du Duc de Berry, la maison de Bourbon n’avait pas de postérité. Or, au moment où le cadet des fils du Comte d’Artois venait par sa faute de manquer un beau mariage à Naples et, pour les mêmes raisons, se voyait refusé tour à tour par d’autres familles régnantes, le Roi constatait avec douleur que l’aîné restait toujours sans enfans. En lui donnant pour femme Madame Royale, il se flattait de voir bientôt sa demeure égayée par le sourire d’un nouveau-né. Mais, au bout de deux ans, il en était encore réduit à l’attente. Aucun symptôme de grossesse n’était apparu et ne s’annonçait. Il l’avouait mélancoliquement :

« L’incommodité de ma nièce n’a, Dieu merci, point eu de suites. Mais, malheureusement, elle n’a pas eu le moindre mal au cœur. Avec quel empressement je vous communiquerais le plus léger espoir ! Je ne sais pas comment cela se ferait ; mais je suis sûr que vous le liriez dans ma lettre avant de l’ouvrir. »

Du reste, il n’en chérissait pas moins sa nièce et son neveu. Ils étaient sa consolation, le charme presque unique de sa vie. Leur eût-il donné le jour, il ne les aurait pas plus tendrement aimés. Elle était bien véritablement sa fille et lui son fils. En parlant d’eux à son frère, il les appelait toujours « nos enfans. » Il les associait à son existence, ne formait à cet égard aucun projet auquel ils ne fussent mêlés. Qu’il montât sur le trône ou qu’il dût mourir dans l’exil, il les voyait incessamment à son côté et ne concevait pas l’idée qu’ils pussent jamais s’éloigner de lui. Il fallait rappeler le caractère de cette tendresse paternelle si constante, si vive et toujours en éveil, pour faire comprendre tout ce qu’apporta de douloureux à son cœur, au commencement de 1802, l’incident imprévu dont deux lettres datées de cette époque nous décèlent la gravité.

On a vu que, dès son installation en Pologne, il songeait à gagner Naples. Mais il ne se dissimulait pas que la réalisation de ce désir n’irait pas sans difficultés. Le roi des Deux-Siciles, quoiqu’il se targuât à plus juste titre crue le roi d’Espagne de