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de vous l’interprète de deux amis qui sentent vivement l’intérêt que vous avez pris au coup dont ils ont été également menacés. Recevez donc l’expression de leur reconnaissance et celle du tendre attachement du secrétaire. »

Mais c’est surtout au Comte d’Artois que le Roi fait part de ses angoisses, de tout ce qu’il craint, de tout ce qu’il espère. Ces libres confidences, accueillies avec sollicitude, suivies de réponses non moins révélatrices de l’étroite union qui règne désormais entre les deux frères, achèvent de la cimenter. Cependant, le temps marche, l’automne commence, l’hiver approche et l’état de d’Avaray ne s’améliore pas assez pour que les inquiétudes du Roi soient dissipées. Au mois de septembre, elles sont redevenues telles qu’au premier jour de la maladie. Il n’est que trop vrai d’ailleurs qu’elle exige maintenant des moyens de guérison prompts, énergiques et celui de tous qui devait être le plus cruel au cœur du Roi : l’installation du malade pour la durée de l’hiver sous un climat plus chaud que celui de Pologne. Les deux amis devront se séparer, et cette perspective les afflige également.

Le Comte d’Artois est le premier confident de la tristesse royale. « Je n’ai pas craint, jusqu’à ce moment, mon cher frère, de vous parler dans toutes mes lettres de d’Avaray parce qu’en vous entretenant de mon ami, je vous ai parlé d’un serviteur qui vous est tendrement dévoué. Aujourd’hui, mon ami est bien triste ; la convalescence, comme je vous l’ai dit, est d’une lenteur extrême, soit qu’il faille l’attribuer à la violence des accidens par lesquels la maladie a commencé ou au mauvais temps qui a constamment régné pendant les mois de juillet et d’août, il n’est que trop certain que le mieux n’a pas fait les progrès que nous devions espérer et Le Febvre, effrayé de voir arriver dans un tel état de choses un hiver quelquefois aussi rude ici qu’en Courlande, a fortement conseillé au malade d’aller le passer dans un climat tempéré. Vous jugez, mon ami, de ce que son cœur et le mien ont souffert d’un pareil arrêt. Mais la raison, la nécessité ont pris le dessus. Nous avons senti, et moi surtout, qu’il ne fallait pas sacrifier des années à quelques mois et il vient d’être décidé que d’Avaray partira pour le Nord de l’Italie, sauf à s’enfoncer encore davantage si son état et la saison l’exigent. Cette douloureuse résolution est encore ignorée ici. Mais, en vous la confiant, je ne vous en demande pas le secret ; on ne le saura que trop,