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qu’aucune considération particulière ne fasse faiblir à cet égard : ce serait la chose qui aurait le plus d’inconvéniens. » Louis XVIII se le tint pour dit ; mais il n’en sentit que plus vivement le poids et la dureté de sa chaîne.

Un si grave inconvénient n’était déjà que trop fait pour altérer sa sérénité naturelle. A la fin de juillet, un événement d’une autre sorte vint tout à coup assombrir encore plus sa vie. Souffrant depuis longtemps, éprouvé par les climats du Nord et violemment secoué par les derniers malheurs, le comte d’Ava-ray tomba malade et dut s’aliter. Prompt à s’alarmer, il se crut perdu. N’ayant en vue que l’intérêt de son roi, sachant qu’il lui manquerait si la mort le frappait, il dicta secrètement à l’abbé Edgeworth toute une suite de conseils bons à être utilisés en des circonstances ultérieures, que, dès ce moment, il prévoyait ; puis, il écrivit à Thauvenay pour le prier de venir mettre ses papiers en ordre après sa mort et pria le Roi d’expédier la lettre. Thauvenay, ayant confié l’agence de Hambourg au comte de Grémion, « son ami et son second, » arriva en toute hâte. Il trouva le malade en meilleur état et le Roi rassuré. Mais d’Avaray paraissant pour longtemps incapable de tout travail, il fut décidé que le nouveau venu occuperait provisoirement sa place.

On peut voir par les lettres du Roi à ses correspondans ordinaires combien l’avait troublé cette alerte et avec quelle anxiété il suivit la marche d’une convalescence trop lente à son gré. Dans la plupart de ces lettres, on trouve, dès ce moment, la trace des soucis que lui cause une santé si chère. Sensible aux marques d’intérêt qu’on donne à son ami, il remercie avec émotion tous ceux qui, en lui écrivant, lui parlent de d’Avaray. Quand celui-ci ne peut répondre lui-même aux témoignages affectueux qu’il reçoit, c’est le Roi qui répond eu son nom. Il le fait notamment pour la comtesse de Polastron, la captivante femme à qui le Comte d’Artois a voué sa vie et qui de Londres avait adressé à d’Avaray des protestations d’attachement. « Vous avez eu la bonté, madame, d’écrire une lettre bien aimable à M. d’Avaray ; mais vous lui imposez des lois sévères. Sa convalescence marche bien lentement et la raison exigeait de lui une obéissance à laquelle le sentiment se refusait. Je ne sais qui l’aurait emporté. J’ai proposé un accommodement dont tout l’avantage était pour moi. Ce motif l’a fait accepter. Je suis près