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frère avait un si pressant besoin. Au reçu de la nouvelle de son expulsion et des tristes confidences qui l’accompagnaient, il était accouru d’Edimbourg à Londres afin de hâter par sa présence la solution qu’il souhaitait, plus encore qu’il ne l’espérait. A Londres, il s’était rencontré avec l’envoyé du Roi, le comte de la Chapelle. Bouleversé par les détails douloureux que lui avait donnés celui-ci et prévoyant que plusieurs semaines s’écouleraient avant qu’eussent abouti ses démarches auprès des ministres anglais, il avait couru au plus pressé et envoyé à Thauvenay, agent de Louis XVIII à Hambourg, une somme de trois mille livres sterling, réunie à grand’peine au moyen d’emprunts.

Lorsque le Roi connut ce trait de dévouement fraternel, il venait d’être averti par la comtesse Pahlen, femme du ministre russe, à qui la Duchesse d’Angoulême avait écrit et « par quelqu’un dont le témoignage est de poids » que, très probablement, son traitement de Russie allait être rétabli. Ce n’était pas encore officiel, et il ignorait toujours si l’arriéré serait acquitté. Il avait lieu du moins d’en concevoir l’espérance. Il n’en fut pas moins sensible à la sollicitude empressée du Comte d’Artois. Il y a de l’émotion et des larmes, de douces larmes, dans les remercie-mens qu’il lui adressait.

« J’ai reçu, mon cher frère, votre lettre du 7 et je voudrais pour toute réponse vous envoyer mon cœur. Quoi ! c’est vous, mon ami, qui, dans la situation où vous êtes, venez à mon secours ? Infortuné Paul, qu’à ce prix, les mauvais traitemens me sont chers ! S’il en était temps, si Thauvenay ne m’eût déjà rendu compte de l’exécution de vos aimables et généreux desseins, je vous prierais, je vous conjurerais d’y renoncer ; l’intention me suffisait et bien au-delà. Mais, du moins, si d’ailleurs vos soins vis-à-vis des ministres britanniques ont le succès que je dois espérer, en dépit de tous les retards, que son premier usage soit de réparer le mal que vous vous faites pour moi. Ce n’est plus votre frère, votre ami qui vous le demande, c’est le Roi qui le veut, qui l’exige. Je n’ai qu’un seul regret, c’est de n’avoir pu exercer cet acte d’autorité qu’après la nouvelle que je vous ai mandée, il y a huit jours et dont j’ai reçu encore une sorte de confirmation, mais sans détails sur l’arriéré. Mais je n’ai rien encore de direct à cet égard. Nous travaillons cependant à arrêter la vente de la parure de diamans. C’est un