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sons, ce soir, les résultats de 665 élections. Elles se décomposent comme suit. Les libéraux ont triomphé dans 378 circonscriptions, les unionistes dans 150, les unionistes libre-échangistes dans 5, le parti ouvrier dans 47, et les nationalistes irlandais dans 85. Il suit de là que si, par impossible, tous les autres partis se liguaient contre les libéraux, ceux-ci posséderaient encore une majorité de près de cent voix sur cette coalition. Sur la question vitale du libre-échange qui a dominé l’élection, la Chambre se divise ainsi : pour le libre-échange 515 ; contre, 150[1].

30 janvier. — Tout est fini. Les échos de la grande bataille s’éteignent. Nulle trace ne subsiste de la fièvre électorale, si ce n’est quelques têtes fracassées et une multitude de papiers déchirés et souillés de boue que le vent d’Ouest, — sans respect pour les vainqueurs comme sans pitié pour les vaincus, — chasse mélancoliquement devant lui le long des avenues, pour les accrocher, çà et là, aux haies, ou les accumuler en tas hideux, dans les coins négligés. La littérature électorale a vécu.

Le 19 février, le roi Edouard VII, accompagné de la reine Alexandra, ouvrira en grande pompe le nouveau parlement et, dès le lendemain, commencera le spectacle dont M. Chamberlain, le grand naufrageur impénitent, se promet un plaisir extrême. Il n’aura, peut-être, pas toute la joie qu’il attend, mais en tout cas, il aura beaucoup de place sur le banc des Très Honorables que le suffrage populaire a impitoyablement décimés. Que va-t-il se passer ? Je ne me charge pas de prédire ce que fera le gouvernement libéral. De bonnes choses et de mauvaises, probablement. Les bonnes choses seront traînées dans la boue par ses adversaires, les mauvaises portées aux nues par ses flatteurs. Le noble Transvaal va recouvrer la parole, mais continuera à subir l’immigration chinoise, car c’est un legs du dernier cabinet qu’il est impossible de répudier. D’ailleurs, le jour où il faudrait employer et rémunérer le travail des Européens, les mines deviendraient une mauvaise affaire. Si elles cessaient d’être exploitées, l’Afrique se viderait d’Anglais et l’élément hollandais triompherait sans lutte. Dans l’Inde, on mettra un frein à l’esprit de conquête et aux prétentions des traîneurs de sabre. En même temps, on fera quelques pas de plus dans la voie ouverte par lord

  1. Dans les universités de Glasgow et d’Aberdeen, le scrutin ne sera ouvert que le 1er février. Le résultat des Orkneys et des Shetland ne sera connu que le 13.