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hommes, l’un habillé en femme, l’autre déguisé en singe. C’était, je suppose, une parodie vivante des deux grands partis politiques. Ce char allégorique était suivi par un certain nombre de miséreux qui chantaient et vociféraient.

Quoique les mœurs politiques se soient bien adoucies depuis l’établissement du scrutin secret, en 1870, les passions mises en jeu sont restées les mêmes, si elles ne se sont aggravées, et les moyens par lesquels elles se manifestent rappellent encore ceux que Hogarth a dépeints, il y a un siècle et demi, dans ses fameux dessins : The humours of an Election.

Il était facile de prévoir le résultat : je l’apprends ce matin. Le candidat tory a passé. Les conservateurs n’auraient pu faire mieux s’ils avaient suscité et subventionné cette candidature ouvrière.

18 janvier. — Le mouvement qui entraîne le pays vers les libéraux s’accentue chaque jour et devient un courant irrésistible. Presque tous les ministres de M. Balfour ont été, comme lui, rejetés par les électeurs. Les deux frères Balfour et lord Hugh Cecil ayant tous les trois perdu leur siège, il ne reste plus dans la Chambre aucun membre de la famille de lord Salisbury. Une seule exception à l’enthousiasme libre-échangiste qui se manifeste d’un bout à l’autre du Royaume-Uni : Birmingham et ses faubourgs restent fidèles à l’autocrate de Highbury. Le voilà redevenu, au moins quant à présent, ce qu’il était au début de sa carrière : le grand homme de province, le saint local dont les vertus n’ont plus cours au-delà d’un certain rayon. Il s’est apitoyé éloquemment sur la disgrâce, « purement temporaire, » de M. Balfour. « Hors du Parlement aussi bien que dans le Parlement, a-t-il dit, M. Balfour demeure notre chef. » C’est ainsi qu’il parle tout haut, mais il pense, probablement, que ce sont les maladroites indécisions du leader qui ont amené le désastre et, de son côté, M. Balfour doit se dire à cette heure qu’il serait encore à la tête de sa fidèle majorité si M. Chamberlain n’avait pas soulevé cette malencontreuse question de la réforme fiscale. Au surplus, M. Chamberlain ne se repent pas, ne regrette rien. Lorsqu’il reparaîtra au Parlement, il relèvera la tête un peu plus haut et voilà tout ! C’est ainsi que les hommes d’État anglais profitent de ce que nous appelons, en France, un peu naïvement, « les leçons du suffrage universel. »

20 janvier. — Sir Henry Campbell Bannerman a fait, dans