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publics, beau-frère du baron Buquet, maire de Nancy et député bonapartiste, il n’entendait pas sortir de sa tour d’ivoire pour se mêler aux luttes des partis. Il planait dans la région supérieure des intérêts lorrains, uniquement occupé d’enrichir de quelque façon que ce fût le patrimoine de la Lorraine, Le calcul n’était pas mauvais puisqu’il réussit à obtenir qu’en 1864 les deux Facultés primitives des lettres et des sciences fussent complétées par une Faculté de droit.


II

Ce qui avait aussi contribué à cet heureux résultat, c’était le succès des cours professés à Nancy. Des cinq « Athéniens » qui composaient la Faculté des lettres, le professeur de philosophie, Charles Levêque, avait déjà disparu, appelé par son mérite à la Sorbonne[1]. Les quatre autres restaient fort écoutés et fort applaudis pour des qualités diverses. Leur portrait mérite d’être au moins esquissé. En tête le doyen, Charles Benoît, ancien professeur dans les lycées de Paris, agrégé des Facultés, maître de conférences à l’Ecole normale supérieure, ancien suppléant d’Ozanam. Je le connaissais de longue date. A mon retour d’Athènes nous nous rencontrions souvent dans la maison hospitalière de M. Guigniaut. En sollicitant une chaire à la Faculté de Nancy, il donnait une preuve de la modestie de ses goûts et de son attachement à sa petite patrie. Il lui suffisait de ne pas quitter Paris pour obtenir rapidement une chaire à la Sorbonne, peut-être même un fauteuil à l’Institut. Mais à tous les honneurs il préférait la terre natale. Son rêve était de se rapprocher de sa famille. Lorsque la Faculté de Nancy fut créée comme une succursale de l’Ecole d’Athènes, en sa qualité d’ancien Athénien, il se mit immédiatement sur les rangs et il en fut nommé doyen, fonction qu’il exerça pendant près de trente ans. Il était notre aîné, il avait plus de titres qu’aucun de nous. Personne ne contesta le choix du ministre.

Charles Benoît professa la littérature française. Il aurait pu professer avec la même autorité la littérature grecque qu’il avait déjà enseignée à la Faculté des lettres de Paris et à l’École

  1. Ch. Lévêque eut pour successeur un esprit fort distingué, Albert Lemoine, qui fut remplacé à son tour par M. de Margerie, philosophe chrétien, fécond et aimable, que la Faculté catholique de Lille devait enlever à la Lorraine.