Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/785

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cours d’astronomie. Tout s’annonçait donc heureusement pour les nouvelles créations. Il s’agissait seulement de savoir si les espérances qu’on avait conçues se réaliseraient, si les professeurs trouveraient un public pour les écouter et si eux-mêmes répondraient à l’attente de ce public.

Dans cette circonstance, la ville de Nancy montra le même esprit de suite et la même intelligence de ses intérêts que dans les négociations qui avaient précédé la signature du décret. Personne n’y parut indifférent à l’ouverture des cours dont les salles furent assiégées par une foule attentive. C’était une manière de répondre aux largesses du gouvernement. Il faut dire, pour être tout à fait exact, que l’empressement des Lorrains n’était pas seulement un empressement politique. Lors même qu’ils n’auraient pas eu l’obligation morale de témoigner leur reconnaissance, ils seraient allés au cours pour leur propre satisfaction. En 1854, les ressources intellectuelles n’abondaient pas dans une ville de 45 000 habitans. Peu de distractions y coupaient la monotonie de l’existence. L’arrivée de neuf professeurs jeunes apporta tout d’un coup dans une ville élégante, mais jusque-là un peu inanimée, un surcroît de vie et d’agrément. Les femmes surtout, les mères de famille et les jeunes filles trouvaient dans les deux Facultés un emploi de leur temps qu’elles ne jugeaient pas méprisable. On a depuis lors perfectionné et fortifié l’organisation de l’enseignement supérieur, on y a amené des étudians. Mesure excellente à laquelle nous ne pouvons qu’applaudir, mais qu’il serait injuste d’opposer avec trop de rigueur au régime des Facultés anciennes. Il est bien facile de dire que celles-ci ne servaient à rien, parce qu’elles ne recevaient que des auditeurs bénévoles. N’en croyons pas un jugement trop brutal et trop sommaire. Même en l’absence d’étudians régulièrement inscrits, les professeurs ne perdaient pas leur temps lorsqu’ils entretenaient dans une ville de province le goût des choses de l’esprit, lorsqu’ils substituaient aux commérages habituels des sujets de conversation d’un ordre plus élevé. Dans les familles on ne se contentait pas d’assister aux cours, on en parlait, on discutait les questions traitées par les maîtres, on faisait des lectures suggérées par leur enseignement. Quelque chose de nouveau, de plus distingué et de moins banal s’introduisait dans les habitudes. Si on ne recueillait pas comme aujourd’hui le bénéfice d’un enseignement didactique, on recueillait du