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chef universitaire. Heureusement cette disposition mesquine dura peu. On en revint à la conception primitive des grands centres d’instruction, avec la préoccupation essentielle d’y faire géographiquement la part de chaque province.


I

Le gouvernement impérial comptait instituer ainsi quinze Académies régionales dont chacune serait gouvernée par un recteur entouré de Facultés. L’insistance d’une ville et surtout d’un homme modifia le plan primitif. Nancy n’y était pas compris. On trouvait peut-être que ce serait trop près de Strasbourg, qu’on favoriserait l’Est aux dépens du reste de la France si on y plaçait deux Académies aussi rapprochées l’une de l’autre. Mais Nancy avait alors pour habitant un homme d’une grande autorité morale et intellectuelle qui, sans être investi d’aucune fonction publique, exerçait, partout où le poussait son esprit actif et résolu, une influence irrésistible : le baron Guerrier de Dumast. Originaire du nord de la France, il n’était même pas de souche lorraine. Seulement il s’était fixé à Nancy, il y recueillait avec passion toutes les traditions locales, il ne manquait aucune occasion de rappeler les initiatives des Lorrains, il parlait volontiers de l’ancienne Université de Pont-à-Mousson, et il n’admettait pas que, si on créait des Académies et des Facultés nouvelles, Nancy ne fût pas une de celles-là. Dans un voyage qu’il fit à Paris avec une députation, il plaida si bien sa cause qu’il la gagna séance tenante.

Le décret qui instituait à Nancy une Faculté des sciences et une Faculté des lettres fut rendu le 22 août 1854. En ce qui concerne la Faculté des lettres, M. Fortoul, alors ministre de l’Instruction publique, y mit sa marque particulière où se reconnaît l’influence de Beulé, attaché à son cabinet. Les cinq professeurs nommés par le même décret appartenaient tous à l’École française d’Athènes. En les groupant ainsi, le ministre leur donnait le caractère d’un corps d’élite avec une signification également flatteuse pour eux et pour la ville où il les plaçait. Dans les journaux officieux on appelait déjà Nancy l’Athènes du Nord. Une autre faveur était encore réservée à la ville lorraine. On y nommait comme recteur un membre déjà célèbre de l’Académie des sciences, M. Hervé Faye, qui était chargé en même temps du