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prohibitives. Est-ce là ce que veut le Maghzen ? Non ; il demande plus pour avoir moins ; il serait très fâché d’arrêter complètement l’importation étrangère ; il veut seulement la frapper de droits supérieurs ; c’est là-dessus qu’il compte pour se procurer des ressources. L’Europe, l’Amérique, le monde entier les lui fourniraient. Il est facile de pressentir quelle sera la réponse de la Conférence. Il y a des traités de commerce entre le Maroc et les puissances : elle en demandera le maintien, et, en cela encore, elle se conformera à la politique française, qui s’engageait à les maintenir pour une très longue période. Nous ne voyons pourtant pas d’inconvéniens à un relèvement modéré de certains droits, surtout si le produit en est affecté à l’amélioration des ports. Quant aux autres impôts, aux impôts intérieurs, la Conférence les étudie avec un soin qui l’honore et nous ne doutons pas qu’elle ne finisse par proposer ou par recommander les plus conformes aux saines doctrines. Mais, en fait d’impôts, les meilleurs sont ceux qu’on perçoit, et tout le monde sait que le Sultan est mal avec les contribuables : c’est à peine s’il réussit à leur faire entendre raison dans un tiers, peut-être dans un quart de son Empire. Il en sera ainsi jusqu’à ce qu’il ait ces forces de police ou ces forces militaires dont il a mis l’organisation au premier plan de son programme. En effet, tout est là. Mais pas un mot n’en a encore été dit à la Conférence, et toutes les correspondances affirment que, sur ce point capital et décisif, les plénipotentiaires allemands se sont retranchés jusqu’ici dans le mutisme le plus impénétrable. Si ce n’est pas le seul point important, c’est celui dont tous les autres dépendent. On l’ajourne, on semble craindre d’en parler : il faudra pourtant bien le faire, et alors que se passera-t-il ? Peut-être pourrons-nous dire dans quinze jours ce qui se sera passé.

En attendant, si nous nous tournons du côté de l’Allemagne et si nous lisons ses journaux, il est difficile d’y trouver des symptômes de détente. C’était, ces jours derniers, l’anniversaire de l’Empereur : il semble avoir été fêté avec un éclat plus grand encore qu’à l’ordinaire, avec plus de solennité, avec plus de gravité aussi, et avec un accompagnement de mots à double entente dont on ne sait pas trop s’ils signifient la guerre ou la paix. On y perçoit des bruits de fer qui accompagnent des protestations conciliantes : nous sommes d’ailleurs aujourd’hui si bien habitués à cette littérature qu’elle ne fait plus d’effet, même sur nos nerfs. La politique allemande nous a rendu le service depuis une dizaine de mois de nous réveiller d’une torpeur dangereuse, de ranimer en nous le sentiment patriotique, de fortifier