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l’adjudication de tous les travaux publics, aucune aliénation des services publics au profit d’intérêts particuliers. » Quand M. Révoil s’est rassis, M. de Radowitz s’est levé à son tour et s’est exprimé en ces termes : « Je m’associe aux sentimens énoncés par le président et par le premier représentant de la France, et j’exprime l’espoir que les travaux de la Conférence, sur laquelle le monde a les yeux fixés, donneront de féconds résultats. » Nous ne savons pas encore quels seront ces résultats : puissent-ils concorder avec les espérances de M. de Radowitz ! Mais il était bon que, dès le premier jour, de la première minute, les principes directeurs de la Conférence, principes sur lesquels la France et l’Allemagne s’étaient mises d’accord, fussent affirmés par les représentans de l’une et de l’autre. La déclaration de M. Révoil, confirmée par M. de Radowitz, était opportune et utile. Elle aura aussi pour conséquence de dissiper tout de suite les obscurités qui avaient été entretenues sur les intentions de la France. Combien de fois n’a-t-on pas dit qu’elle voulait supprimer ou réduire la souveraineté du Sultan, en le plaçant sous son protectorat ? Combien de fois n’a-t-on pas répété qu’elle ne voulait entrer au Maroc que pour en fermer la porte aux autres et s’y créer, à leur exclusion, une situation privilégiée ? Nous ne reviendrons pas, Dieu nous en garde ! sur les polémiques qui ont eu lieu à ce sujet. Nous avons dit, après la publication du Livre Blanc allemand, qu’elles appartenaient à une période close. Mais il fallait s’en dégager une fois pour toutes par une affirmation catégorique et c’est ce qu’a fait M. Révoil. On continuera peut-être ailleurs à nous accuser des mêmes projets d’accaparement et de monopole : ces bruits du dehors viendront s’éteindre au seuil de la Conférence, où on pourra dès lors travailler en toute confiance.

La première des réformes sur laquelle on a délibéré, — peut-on appeler cela une réforme ? — est la surveillance de la contrebande des armes. Il ne s’agit, bien entendu, que de la contrebande : le gouvernement marocain reste libre, dans certaines conditions, de se procurer au dehors toutes les armes qu’il voudra. Mais ce que fait le gouvernement, les particuliers n’ont pas le droit de le faire. Plusieurs dispositions antérieures le leur interdisent : ils n’en tiennent malheureusement aucun compte. Dans aucun autre pays au monde, les particuliers ne disposent d’autant d’armes et de munitions qu’au Maroc. Tout le monde en a ; les tribus en sont abondamment pourvues les unes contre les autres ; beaucoup s’en servent contrôle Sultan, dont la souveraineté n’est à leur égard qu’un vain mot ; le brigandage est l’industrie la plus florissante du pays, et la sécurité n’existe même