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La question, aux trois quarts résolue du reste, du savon au karité n’est pas la seule de son genre qui préoccupe en ce moment le laboratoire de Marseille. Ainsi Taïti, trop éloignée de la métropole, réussira-t-elle à se soustraire au tribut qu’elle paie à Auckland sous forme de savon ? Probablement, car le coprah ou huile de coco se peut extraire sur place, et il s’agit de saponifier industriellement ce produit, sans lui adjoindre aucune huile fluide, l’île n’en fournissant point.

D’autre part des correspondances ont été échangées entre le directeur du laboratoire de Marseille et l’administration des vastes domaines privés que le Tsar possède dans le Turkestan russe, et dans lesquels prospèrent d’immenses plantations de coton devenues très productives, et dont les graines accumulées dégagent des torrens d’huile. Il y aurait un grand avantage à profiter des crasses ou résidus pour fabriquer sur place des savons qui trouveraient un débouché pour ainsi dire illimité au cœur de l’Asie centrale, sans craindre sur le marché la concurrence des savons d’Europe, dont le transport par chemin de fer est beaucoup trop onéreux. Il faut aussi persuader aux Asiatiques d’adopter les habitudes de propreté européennes, ce qu’on ne désespère pas de réaliser. Une savonnerie s’élèvera quelque jour dans la région de Merv, naguère si mal connue, et fonctionnera sur le plan des usines provençales, avec un matériel sans doute apporté de France. Quoique le savon de coton soit mou de sa nature, avec des tours de main scientifiques et rationnels, on ne désespère pas de l’obtenir suffisamment dur. D’ailleurs, il se créera bientôt vers la future usine un courant commercial convergent qui attirera les corps gras de l’Asie centrale, de la Chine.

Restent à trouver les alcalis. La compagnie Solvay et peut-être ses succursales du midi de la France les expédieront, non sous forme carbonatée, mais à l’état de bâtons de soude très riches en matière caustique, de façon à transporter par bateau et voie ferrée le maximum de matières utiles sous le moindre poids et le plus petit volume.

La guerre n’avait pas arrêté l’activité des pourparlers au cours desquels se discutait déjà la question de l’utilisation des sous-produits, traités par les meilleures méthodes de la chimie industrielle moderne. Mais, en présence des catastrophes actuelles, que sont devenus ces projets ?