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se rattachent à des causes agricoles, météorologiques, économiques, commerciales, d’une complexité désespérante. Que ce soit pour gagner honnêtement, en émettant une marchandise loyale à juste prix, ou pour lancer, comme le font les rares brebis galeuses des usines du Midi, des produits inférieurs sophistiqués, le savonnier marseillais du XXe siècle est tenu d’être au courant d’une multitude de circonstances.

Parlons de l’alcali. Après la soude des plantes marines incinérées, après la soude artificielle Leblanc, est venue la soude à l’ammoniaque par le procédé Solvay, très pure et presque conforme à la formule chimique théorique. Elle joue maintenant en savonnerie un rôle important et présente l’avantage de permettre un dosage précis des matières premières à employer dans la cuisson, en simplifiant le travail du savonnier. Seulement, vu son absence d’impuretés, elle ne saurait convenir pour obtenir des savons dits « marbrés. »

Tellement nombreux sont les végétaux oléifères que la liste de ceux susceptibles d’engendrer des savons peut et doit s’élargir. Le lecteur connaît-il le savon au karité ? Non, sans doute ; et cependant il en usera peut-être dans quelques années. Nous faisons allusion au fruit d’un végétal de la famille des Sapotacées que les botanistes appellent un peu longuement Butyrospermum Parkii[1]. La Chambre de commerce de Paris a envoyé à différentes reprises des échantillons de karité au laboratoire adipologique de Marseille en vue d’expériences de saponification. Les essais de cuite, d’abord en petit au laboratoire, puis plus en grand, ont démontré qu’on pourrait tirer le meilleur parti de ce produit pour la fabrication des savons de toilette surfins. Or le karité peut arriver en abondance de l’Afrique occidentale française : une fois le fruit transporté par chemin de fer de l’intérieur à la côte, et le beurre extrait d’une façon plus propre et moins grossière qu’actuellement, le double problème économique et industriel aura fait un grand pas. Encouragé par ces résultats, le gouvernement de l’Afrique occidentale a chargé M. E. Milliau de procéder à des études plus complètes sur cette matière coloniale, tant au point de vue alimentaire qu’à celui de la savonnerie et de la stéarinerie. Une cargaison de 10000 kilos sera bientôt adressée à cet effet.

  1. Le corps gras s’extrait du noyau du fruit : ce dernier, charnu à pulpe comestible, de couleur jaunâtre, ovoïde, s’assimile comme grosseur à la prune.