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S’il sent trop mauvais, le consommateur s’en aperçoit : c’est le cas lorsque les huiles inférieures, — le colza par exemple, — dominent trop exclusivement.

En somme, l’olive, le coprah, le palmiste, l’arachide, le sésame, le coton, le colza, le ricin et bien d’autres huiles peuvent fournir des savons bons ou très convenables, plus ou moins durs, mais qu’un fabricant judicieux saura très bien combiner pour arriver économiquement à son but.

A propos d’adipologie, nous nous garderons d’entrer dans des détails trop techniques. Cependant il nous faut revenir sur ce que nous avons déjà dit dans notre précédent travail. Les corps gras constituent les éthers de la glycérine, ou, pour parler moins rigoureusement, mais plus clairement, les corps gras, huiles, graisses, beurres, résultent de l’union avec les acides gras, de la glycérine, ce liquide si employé en parfumerie. Combustibles, très riches en carbone, assez riches en hydrogène, pauvres en oxygène, les acides gras sont insolubles dans l’eau[1] : les uns sont liquides comme l’acide oléique, les autres, solides comme l’acide stéarique, qui constitue les bougies. Tous s’unissent volontiers aux oxydes métalliques, à la chaux, aux alcalis, pour lesquels ils délaissent la glycérine, qu’ils mettent en liberté. Dans le premier cas, celui de l’oxyde de plomb, pour fixer les idées, il se forme ce que les pharmaciens appellent un « emplâtre ; » dans le second cas, un savon calcaire, sans intérêt parce qu’il n’est pas soluble, prend naissance ; dans le troisième cas enfin, il se produit un sel de soude ou de potasse, très soluble comme tous les composés alcalins et doué de propriétés détersives : ce sont les savons dont nous usons quotidiennement.

Tout naturellement nous arrivons maintenant à la question de l’analyse des savons commerciaux. Un savon a-t-il la valeur marchande que lui attribue le vendeur ? De tout temps, sous l’ancien régime comme aujourd’hui, on a eu recours, comme nous l’avons déjà indiqué, à un moyen bien simple d’augmenter artificiellement le poids brut du savon. C’est de lui faire absorber une proportion d’eau surabondante ; il ne faut pas

  1. Il existe des acides gras solubles dans les termes de la série les plus pauvres en carbone et hydrogène : par exemple l’acide butyrique qui entre dans la composition du beurre. Cet acide s’assimile très bien les bases, fournit des dérivés solubles et dialysables (c’est-à-dire susceptibles de filtrer à travers les membranes poreuses) mais qui n’ont pas la stabilité des combinaisons des acides gras plus carbonés.