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soit 14 francs par hectolitre, à l’entrée en France. On se plaint de la concurrence des usines similaires d’Espagne, de Toscane et de Gênes (cette dernière était déjà une rivale ! ) ; elles reçoivent librement les huiles et importent des savons en France. Il existe aussi d’autres savonneries dans le reste du département des Bouches-du-Rhône et dans le Var ; mais, même réunies, elles ne peuvent soutenir la comparaison avec l’ensemble des établissemens de Marseille.

Notre ville rappelle, à très juste titre, les souffrances qu’elle vient d’endurer et continue à récriminer avec tout autant de raison au sujet de la perte presque absolue du débouché des colonies d’Amérique et de l’Inde, quoique l’exutoire nouveau de la Belgique et des pays rhénans annexés la dédommage dans une certaine mesure. L’arrivée des soudes d’Espagne et du Levant laisse à désirer ; et pourtant que d’avantages, dit le rapport, présenterait le complet rétablissement de ce courant d’échanges qui permettrait d’exporter des étoffes et de la quincaillerie !

De la soude artificielle, pas un mot, quoique l’invention fût déjà connue et appliquée ; on se contente de réclamer une culture plus intensive des plantes sodiques en Camargue et sur d’autres points du littoral français. Évidemment les fabricans qui présentent à Chaptal, ministre de l’Intérieur, leurs revendications, répugnent au progrès ; ils insistent énergiquement sur la prohibition estivale, dont la négligence, affirment-ils, nuit considérablement aux intérêts des usiniers traditionnels et loyaux. D’ailleurs, il est aussi naturel qu’avantageux que les deux ou trois mille ouvriers savonniers goûtent un repos annuel bien gagné, également profitable aux bâtimens et aux ustensiles. Quant au fabricant lui-même, toujours un peu spéculateur, il achètera ses matières premières dans de meilleures conditions pendant les vacances. Suivent 45 signatures de patrons, avec noms et adresses. Beaucoup de ces noms se reconnaissent ; il n’en est pas de même des adresses, les rues étant encore désignées par leurs noms révolutionnaires, effacés depuis.

L’industrie savonnière reste stationnaire durant la période des grandes guerres du premier Empire. Les soudes d’Espagne et du Levant n’arrivent qu’en petites quantités et irrégulièrement ; on cherche à les remplacer par les produits d’incinération des plantes à terrains salés de Camargue ou, comme la qualité des soudes d’Arles laisse à désirer, on se rabat sur les cendres des