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pour nous, et point dix contre... » Sur une observation de Ney, qui entrait et voulait faire hâter l’attaque, l’Empereur répliqua : « Wellington a jeté les dés ; ils sont pour nous. »

« Soult était soucieux. Pas plus que l’Empereur, il n’appréhendait l’arrivée des Prussiens sur le champ de bataille : il les jugeait hors de cause pour plusieurs jours. Mais il regrettait que ion eût détaché 33 000 hommes avec le maréchal Grouchy... Dans la soirée précédente, il avait déjà conseillé à l’Empereur de rappeler une partie des troupes mises sous les ordres de Grouchy. Le matin, il réitéra son avis. Napoléon, impatienté, lui répliqua brutalement : « Parce que vous avez été battu par Wellington, vous le regardez comme un grand général. Et moi, je vous dis que Wellington est un mauvais général, que les Anglais sont de mauvaises troupes, et que ce sera l’affaire d’un déjeuner. » — « Je le souhaite, » dit Soult... »

M. Henry Houssaye est aussi de l’avis du général von Lettow au sujet de la santé de Napoléon, du 15 au 18 juin. Après avoir repassé tout ce qu’a fait l’Empereur pendant ces journées mémorables, il ajoute : « Sur quatre-vingt-seize heures[1], cet homme que l’on représente comme abattu et déprimé par la maladie, sans énergie, sans résistance au sommeil, et incapable de se tenir à cheval, prit à peine vingt-quatre heures de repos ; et en supposant qu’il ait mis pied à terre pendant les trois quarts du temps dos deux grandes batailles, il resta en selle plus de trente-sept heures. En 1815, Napoléon était encore d’une santé à supporter les fatigues de la guerre, et son cerveau n’avait rien perdu de sa puissance... »

Dans la suite de son récit, revenant au maréchal de Grouchy, s’éloignant de Ligny avec son détachement d’armée, le général von Lettow fait remarquer que la tournure que prendraient les événemens se trouvait dorénavant dépendre essentiellement du maréchal. Elle dépendait surtout de ce qu’il ferait pour déterminer exactement la ligne de retraite de l’ennemi, pour contenir son adversaire, ou pour se rapprocher de l’armée principale. Avant tout, il fallait agir vite puisque l’ennemi avait évacué Sombreffe depuis plusieurs heures. Il fallait atteindre Gembloux le plus tôt possible, et pour cela utiliser le chemin qu’on a suivi effectivement par Point-du-Jour, et un autre par Ligny

  1. 1815, Waterloo, p. 483.