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manière d’agir de Napoléon en 1806-1807 ; — et il ne faut pas oublier que Lettow a écrit une histoire de 1806-1807 très appréciée, d’une impartialité très remarquée. — Il nous rappelle que le soir d’Iéna, Napoléon s’est retiré du champ de bataille à l’entrée de la nuit, pour s’installer à 11 kilomètres en arrière, — plus loin encore que le soir de Ligny ; — que le lendemain il n’est entré à Weimar que vers le soir, confiant la poursuite, ce jour-là comme les suivans, à l’initiative de ses lieutenans ; que les merveilleux résultats, obtenus à cette époque dans la poursuite de l’armée prussienne, sont dus aux fautes des généraux de cette armée, comme à la brillante intervention des chefs français Soult, Davout, Murat et même Bernadotte. « Quant à Napoléon[1], il a montré, là comme toujours, qu’il savait voir pour les grandes choses de loin et d’ensemble ; mais il s’est moins dépensé personnellement en 1806, que du 15 au 18 juin 1815. »

L’assertion que l’Empereur de 1815 était malade et affaibli, est encore mieux écartée par la comparaison avec Friedland. La bataille du 14 juin 1807 se termina à la nuit. L’armée de Bennigsen était plus ébranlée que celle de Blücher après Ligny. La poursuite ne commença que le lendemain à midi, et donna des résultats insignifians.

On a reproché à Napoléon, ajoute Lettow, d’avoir détaché Grouchy pour la poursuite, avec 33 000 hommes. Mais à ce moment. Napoléon savait par les prisonniers qu’un corps d’armée prussien n’avait pas donné à Ligny, et était intact. Il devait, donner à Grouchy le moyen de vaincre la résistance de ce corps. D’un autre côté, il se croyait capable de venir à bout des Anglais sans Grouchy.

De son côté, M. Henry Houssaye donne d’intéressans détails sur cet état d’esprit de Napoléon en ce qui concerne les Anglais et les Prussiens :

« Vers huit heures[2] (le matin de Waterloo), l’Empereur avait déjeuné à la ferme du Caillou avec Soult, le duc de Bassano, Drouot et plusieurs autres généraux. Après le repas, qui avait été servi dans la vaisselle d’argent aux armes impériales, on déplia sur la table les cartes de Ferrari et de Capitaine. L’Empereur dit : « L’armée ennemie est supérieure à la nôtre de plus d’un quart. Nous n’en avons pas moins quatre-vingts chances

  1. Napoleons Untergang, p. 383.
  2. 1815. Waterloo, par M. H. Houssaye, p. 310-311.