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Ce témoignage, sous une plume non française, et souvent partiale, est de ceux qui se passent de commentaires.


Encore une fois, c’est cette France-là qui est la vraie France. C’est elle dont les deux autres Frances couvrent la voix, et qu’elles essaient de confisquer à leur profit. C’est elle qui, de loin en loin, et trop rarement sans doute, leur impose sa volonté, et les force à se réconcilier quelque temps. L’unité morale, dont les autres parlent tant, elle n’a que faire d’en parler, elle ; elle l’a réalisée ; elle en donne le vivant exemple, sachant bien qu’une nation n’est pas une poussière d’humanité. Cette France-là est la France de Jeanne d’Arc et de Corneille, la France des Croisades et de l’art gothique ; c’est celle aussi de Gambetta et de Jules Ferry, à leurs meilleurs jours. Elle sait qu’elle n’est pas née d’hier, et elle ne renie aucune de ses gloires. Elle est tolérante ; elle est l’ennemie née de tous les fanatismes, de toutes les Révocations de l’Edit de Nantes, de celle du XVIIe siècle, comme de celles qui, sous nos yeux, sont décrétées tous les jours. Elle le fera bien voir. Elle a le droit de parler haut. C’est elle qui, après toutes nos grandes crises, après les guerres religieuses du XVIe siècle, après la Fronde, après la Révolution, après l’Empire, après la guerre de 1870, a refait en quelques années, sous les regards de l’Europe admirative et stupéfaite, la fortune et la prospérité du pays. C’est d’elle que sont sorties, dans tous les ordres, la plupart de nos illustrations nationales. Et si l’on veut un nom qui résume et symbolise en lui toute la vitalité et toutes les vertus de cette troisième France, un nom qui, à lui tout seul, suffit à prouver aux deux Frances ennemies que l’attachement aux traditions du passé n’est pas inconciliable avec l’amour du présent et le souci de l’avenir, c’est M. Seippel lui-même qui va nous suggérer celui de Pasteur.


VICTOR GIRAUD.