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bien césarienne, ou même royaliste. Au fond, elle a conservé, je ne dis pas des idées, mais des mœurs et des habitudes monarchiques. Elle ne se désintéresse assurément pas des affaires publiques, mais elle en remet trop volontiers le soin à ceux qu’elle délègue à cet office, qu’elle ne choisit pas toujours très bien, et qu’elle ne surveille pas d’assez près. Sa patience à leur égard n’est pas inépuisable, mais elle est grande. Un peu timorée parfois, un peu positive, généreuse pourtant, on pourrait la souhaiter plus activement préoccupée des humbles, plus curieuse de ses devoirs sociaux, plus empressée à les remplir.


La fourmi n’est pas prêteuse :
C’est, là son moindre défaut.


Il est parfaitement exact que cette France-là, comme l’observe M. Seippel, « maintient depuis plus de vingt ans à la Chambre une majorité anticléricale ; » mais elle n’est pas elle-même anticléricale[1]. Dans l’ensemble même, elle est foncièrement attachée à la religion traditionnelle ; elle lui reste reconnaissante d’avoir, dans le passé, présidé à la constitution de son unité nationale et politique ; et, en dépit de malentendus passagers, elle estime que, dans le présent, cette religion n’a pas cessé de mériter sa confiance ; elle a conscience d’être, à l’heure actuelle, — c’est l’avis des étrangers renseignés, — le pays du monde où le catholicisme a la vie intellectuelle, morale et sociale la plus forte, la plus riche, la plus profonde, et où il est à la veille peut-être d’ « absorber » tous ses « hérétiques » de réflexion et de bonne foi. Tous les paradoxes qu’elle a entendu développer sur « la morale scientifique » ou « la morale laïque » n’ont pas entamé son robuste bon sens.


Ce Bloc enfariné ne lui dit rien qui vaille.


Elle a gardé l’excellente habitude de juger l’arbre par les fruits, et elle demande aux théoriciens des morales nouvelles de lui montrer parmi eux un seul saint Vincent de Paul. En attendant, elle s’en tient aux traditions qui lui ont été transmises. Ceux-là mêmes qui s’en sont détachés, faute parfois de

  1. Ce sont souvent les populations les plus religieuses qui ont la représentation la plus « radicale : » tel est par exemple le cas de la Savoie et de la Haute-Savoie. Voir à ce sujet le livre excellent et suggestif de M. Jean Guiraud : la Séparation et les Élections. Paris. Lecoffre, 1906.