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les choses de France, elle offre de bien précieux avantages, et il est toujours imprudent de s’y dérober. L’information de M. Seippel est surtout « livresque, » et elle reste, par conséquent, abstraite, extérieure et superficielle. Même d’ailleurs à ce simple point de vue elle n’est pas sans appeler d’expresses réserves. Et d’abord, elle donne assez rarement l’impression d’être de première main. Assez rarement on y sent le contact immédiat, personnel des faits et des textes. Sans doute on ne peut demander à un écrivain, dans un livre de ce genre, de nous apporter le résultat de recherches longuement poursuivies à travers les vieux journaux ou les documens d’archives. Mais quand il parle par exemple de Bossuet ou de Molière, des libertins du xvir3 siècle ou des Encyclopédistes du XVIIIe, de Chateaubriand ou de Bonald, pourquoi faut-il qu’on sente presque toujours s’interposer entre M. Seippel et nous des souvenirs ou des réminiscences de Vinet ou de Sainte-Beuve, de M. Brunetière ou de M. Faguet ? On voudrait retrouver partout dans son ouvrage la vivacité d’impressions et de lectures personnelles qui caractérise les pages par lui consacrées à Calvin, à Rousseau, à Auguste Comte. D’autre part, ces autorités historiques ou critiques qu’il suit et qu’il écoute, M. Seippel les choisit-il toujours avec l’entière indépendance d’esprit qu’il faudrait ? Il ne paraît pas avoir la constante habitude d’ « ouïr les deux parties, » comme disait Pascal. Les ouvrages de M. de Grandmaison sur la Congrégation, de M. Thureau-Dangin sur la Monarchie de Juillet paraissent lui être inconnus. Les historiens qui le documentent presque exclusivement sur l’histoire de l’Eglise à l’époque de la Révolution et au XIXe siècle, ce sont MM. Aulard, Seignobos et Debidour, — « M. Debidour, avoue-t-il naïvement, dont les convictions anticléricales ne peuvent être suspectées par personne. » Sur les événemens contemporains, il invoque avec complaisance le témoignage de M. Anatole France et celui… de M. Cornély. M. Seippel n’aime évidemment ni la France rouge, ni la France noire, et nos modernes Jacobins n’auront pas à se louer de l’amusant chapitre qu’il a consacré à l’Église de la Libre-Pensée ; mais, au total, l’une de ces deux Frances lui est encore plus odieuse que l’autre, et, pour mieux prouver son antipathie à la France noire, il se laisse trop volontiers aider à la noircir un peu plus qu’il n’est équitable.

Enfin, et surtout, il n’est pas jusqu’à l’idée maîtresse de son