Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/639

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Réforme que la France de Charles IX. Mais dans aucun autre pays, croyons-nous, la passion, ou, tout au moins, l’inquiétude religieuse n’a plus visiblement et d’une façon plus continue agité les âmes et troublé les consciences. La France a été comme prédestinée à vérifier le mot célèbre de l’évangile : « Ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi. »

Il n’est donc que trop vrai, — à première vue, et surtout depuis un siècle, — qu’il y a deux Frances, et à quelques nuances près, leur signalement à toutes deux répond assez exactement à celui que nous en trace M. Seippel. Toutes deux se reconnaissent à ce trait qu’elles confondent habituellement le domaine de la religion, — ou de l’irréligion, — avec celui de la politique, et la politique leur est au fond à toutes deux un moyen de réaliser leur idéal religieux, ou irréligieux. L’une de ces deux Frances est attachée au passé jusque dans ses erreurs, ses étroitesses, ses difformités mêmes. L’autre ne rêve que de détruire tout ce passé auquel elle a voué une haine parricide, et de reconstruire sur ses ruines une France toute neuve, sans traditions, sans exemples, sans souvenirs. A l’une comme à l’autre il manque, avec le sens du réel, le sens de l’histoire et le sens de la vie. M. Seippel a eu raison de dire et de montrer qu’elles étaient la copie involontaire, mais fidèle, l’une de l’autre.

Une autre observation dont il n’a peut-être pas tiré tout le parti possible, et qu’il contredit même un instant après, mais qu’il faut lui savoir gré d’avoir faite, c’est qu’il ne faut pas toujours nous en croire, nous autres Français, sur nous-mêmes. « La France, écrit-il, a été prise, depuis tantôt un quart de siècle, d’une sorte de fureur de dénigrement. Il faut se garder de la croire sur parole, et l’on devrait sans cesse se rappeler le mot si juste : Quand un Français dit du mal de lui-même, ne le croyez pas : il se vante. » Hélas ! je crains bien que cette fâcheuse et dangereuse manie ne date pas chez nous d’un quart de siècle, et que nous ne l’ayons toujours eue : tout au moins, elle ne sévit pas actuellement plus qu’elle n’a sévi au XVIIIe siècle. C’est notre façon, à nous Français, de faire aux étrangers les honneurs de notre pays. Alors que tant d’autres peuples dissimulent soigneusement leurs défauts, et crient sur les toits leurs qualités vraies ou fausses, nous autres, par une modestie bien mal comprise, nous rougissons de nos vertus comme de véritables tares ; nous n’en parlons jamais ; nous les laissons vivre