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été prescrite précédemment. Blücher s’est laissé guider par son jugement sain, naturel ; il est certain aussi que, dans l’esprit du vieux sabreur, ce dut être une idée épouvantable que celle de rester inactif, pendant qu’une moitié de son armée, placée, plus ou moins, sous les ordres d’un chef d’armée étranger, irait se battre contre l’oppresseur haï de sa patrie... »

Lettow critique, cette fois encore, les ordres de mouvement donnés par l’état-major, pour assurer cette décision de Blücher de faire intervenir toute l’armée prussienne ; il montre comment on aurait pu réduire la lenteur, la lourdeur de la marche. Puis il insiste encore sur cette idée, que, le jour de Waterloo, on doit à Blücher, non seulement son intervention personnelle, entraînante, indiscutée, auprès des deux corps qui ont marché sur Plancenoit ; mais encore le secours efficace que Wellington a pu recevoir, si utilement et en temps opportun, de l’avant-garde de Zieten, mis en mouvement après les deux premiers corps, conformément à la décision personnelle du vieux maréchal.

Ainsi, Lettow a été poussé par ses études approfondies, consciencieuses, à diminuer un peu l’influence de Gneisenau sur la marche des événemens, qui jusque-là avait été regardée comme prépondérante ; et à élever encore le rôle déjà si glorieux du maréchal Blücher.

Il compare les relations qui ont existé entre ces deux hommes, et qui ont eu les conséquences les plus favorables pour la direction des opérations de l’armée prussienne en 1815, à celles qui ont existé, en 1870, entre le roi Guillaume et de Moltke. « Le Roi, la chose est démontrée, a toujours conservé le sentiment de sa haute responsabilité ; il a su garder la liberté entière de son jugement ; et souvent, dans l’examen des solutions, ses décisions sont intervenues pour le bien général... Il en a été de même pour Blücher, en 1815[1]. »

Nous n’insisterons pas davantage sur cette question du mérite relatif des deux chefs, dont le rôle a été capital contre nous en 1815 ; mais il nous semble utile d’appeler fortement l’attention sur les relations qui existaient, dès cette époque, entre le commandant en chef prussien et son chef d’état-major, comme sur l’utilisation de l’état-major.

  1. Napoleons Untergang, p. 160.