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LES JOURNEES
ET
LES NUITS JAPONAISES

I


LE JARDIN DE L’ARSENAL

… Dans la cour, les soldats de la garde s’exerçaient à la baïonnette avec des fusils de bois et se ruaient les uns contre les autres en poussant des cris sauvages. J’entends encore ces cris de barbares qui jaillissaient du haut de la colline où s’élève la caserne, du centre même de Tôkyô, et retombaient au silence éternel du grand parc impérial. Nous descendîmes la côte et nous entrâmes à l’Arsenal. Aux hurlemens des hommes succédaient le grondement des machines et le fracas du fer. Là jadis, dans son domaine féodal, résidait le prince de Mito, célèbre par sa science et plus célèbre par son jardin. Le Directeur, dont la fatigue et les soucis creusaient la face triangulaire, me montra, suspendus au mur de son cabinet, trois plans de l’Arsenal. Le premier datait du lendemain de la Révolution (1870) : quelques bâtimens construits à la hâte, des espaces déserts, et le fameux jardin dans toute sa verte étendue. Le second datait du lendemain de la Révolte des Satzuma (1880) : plus de terrains vagues ; les ateliers agrandis, les forges élargies touchaient presque la lisière des