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février 1800, se produisit l’empêchement qui mit à néant tous ces plans. « Plusieurs officiers généraux de l’armée anglaise, écrivait-il, et de simples colonels réunis à eux ont fait des représentations contre l’expédition projetée. L’armée tout entière témoigne la plus grande répugnance à s’exposer en Bretagne aux revers qu’elle a précédemment éprouvés en Hollande. » La prudence ne permettait donc pas au gouvernement de former une telle entreprise contre le vœu de l’armée. Monsieur avoue qu’il n’a rien pu répondre. Il a seulement exposé à lord Granville l’embarras dans lequel il se trouvait, après avoir annoncé aux royalistes, sur la parole même du ministère, que, vers la fin de février, il leur conduirait un secours efficace et puissant.

A la faveur de ces négociations dont le Comte d’Artois, plus avisé cette fois qu’en des circonstances précédentes, rendait exactement compte au Roi, la confiance se rétablit entre eux. Dans son lointain exil, Louis XVIII les suivait avec anxiété, en attendait fiévreusement le résultat.

« L’horizon semble un peu s’être éclairci, écrivait-il à Monsieur le 6 juin. L’évasion de Georges-rend un chef au Morbihan. Le chevalier de Bruslard, ami et confident du malheureux Frotté, en offre un pour la Normandie. Je crois que l’esprit de ces excellentes populations n’est pas changé ; que les armes n’ont été rendues qu’en très petite quantité. Il ne manque plus qu’un chef suprême pour faire de ces précieuses fractions un ensemble utile et décisif. Enfin, je ne puis vous dire avec quelle émotion j’ouvre toutes les lettres que je reçois de vous. J’espère toujours y trouver en tête : « Cette lettre, mon cher frère, est la dernière que je vous écrirai d’Angleterre. » Mon imagination s’échauffe ; j’en prévois les conséquences : les transports de joie de ces braves royalistes, qui ont si longtemps cru qu’on les trompait en leur promettant qu’un de nous viendrait se mettre à leur tête, les décisions intérieures cassées, les calomnies du tyran réfutées, lui-même troublé, n’osant ni quitter Paris, ni se fier assez à un chef pour vous l’opposer ; ces généraux, ces troupes républicaines, si fiers, si insolens quand ils n’ont eu à combattre que des chefs désunis, abandonnant le Consul, se joignant à vous, grossissant votre armée ; je vois enfin l’aurore des beaux jours qui nous sont dus après tant de peines. Tout cela n’est point un rêve ; rien n’est plus possible ; tout cela sera et fasse le ciel que ce soit bientôt. »