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sur la coalition d’où Paul Ier venait de sortir brusquement en faisant claquer les portes. Littéralement réduit à l’impuissance, Monsieur n’avait plus guère l’occasion de se trouver en contradiction avec son frère, bien qu’il forgeât et entassât plans sur plans. On a vu qu’il avait dû renoncer à passer en Suisse. Comme si cet échec lui eût inspiré le regret de n’être pas passé dans l’Ouest, c’est là que, maintenant, il disait vouloir aller et c’est dans ce dessein qu’il soumettait aux ministres anglais toute une suite de projets de descente en France.

Un jour, il s’agissait de s’emparer de Calais, un autre jour de Belle-Isle, de Lorient, de Saint-Malo, ou encore de Brest. Georges Cadoudal était l’inspirateur de ces propositions. Il alla même de Londres en Bretagne pour s’assurer des concours. Plusieurs conférences eurent lieu entre Monsieur, Pitt, et lord Granville. On y discuta ses rapports, et ils excitèrent tant d’enthousiasme qu’il fut un moment question de l’envoyer à Saint-Pétersbourg. On ne doutait pas qu’en voyant « ce brave homme, » en l’écoutant, la Tsar ne se laissât séduire par ses plans et ne donnât, pour aider à leur réalisation, des troupes et de l’argent. Cadoudal se tint prêt à partir. Woronzow, l’ambassadeur de Russie à Londres, promettait son appui.

Le projet concernant Brest surtout souriait aux ministres anglais. Monsieur s’effraya même de l’empressement avec lequel ils accueillirent ce projet, dont, l’exécution les eût rendus maîtres de la presque-totalité des forces navales de la République. Il déclara qu’il ne poursuivrait pas la négociation s’il n’était d’abord formellement stipulé que les navires dont les Anglais auraient opéré la capture seraient mis sous le commandement d’officiers français et rendus au Roi après sa restauration. Les ministres promirent qu’il en serait ainsi. Ils se réservèrent seulement le droit de considérer comme butin de guerre les bâtimens espagnols qu’ils trouveraient à Brest. Ils entendaient les garder.

On croit rêver quand on voit des princes français discuter de tels projets et des hommes d’Etat croire encore au succès, après la terrible leçon donnée à Quiberon par la République à ses ennemis. On en est réduit à se demander si les ministres anglais se proposaient un autre but que celui de lanterner Monsieur. Il n’en rendait pas moins hommage à leur bonne foi comme à leur zèle, et il n’en doutait pas, lorsque, au mois de