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de 1798 et le premier semestre de 1799. C’est à peine si, de temps à autre, durant cette période, les lettres qu’ils échangeaient trahissent, soit sur cet objet important, soit sur d’autres, des divergences de vues. Nos lecteurs se souviendront que lorsqu’il s’en produisit, comme par exemple à l’occasion de la formation de la maison de la future Duchesse d’Angoulême, dont le Comte d’Artois, contrairement à l’opinion de son frère, eût voulu recruter les dignitaires dans son entourage intime d’Angleterre, c’est-à-dire parmi ce qui avait survécu de la coterie Polignac, le Roi intervint, présenta ses objections, refusa de souscrire aux propositions de Monsieur, et finalement imposa sa volonté.

Il la manifesta encore, à la même époque, à propos de plans que lui soumettait Monsieur, en vue de provoquer dans le royaume des mouvemens insurrectionnels contre le Directoire. Le Roi ne les voulait pas isolés, mais qu’ils coïncidassent avec une marche en avant des armées étrangères. Considérant que son frère, tout en partageant son avis à cet égard, ne se montrait pas assez résolu à les éviter, il lui déclarait qu’il n’en fallait point tolérer et lui ordonnait d’écarter sans rémission les plans qui ‘auraient pour but d’en faire éclater.

« Je pense parfaitement comme vous que c’est de l’intérieur de la France que viendra son salut et le nôtre. La conduite des puissances étrangères ne nous a que trop donné la mesure de ce qu’on peut espérer d’elles. Mais, bien rempli de cette vérité, je ne pense pas moins fortement qu’il faut éviter les mouvemens partiels qui ne sont propres qu’à faire couler inutilement le sang le plus pur de la France. Je l’ai toujours dit, toujours écrit, et je suis enchanté que nous soyons d’accord sur ce point. Le gouvernement britannique peut ne pas voir comme nous et je le comprends très bien. Un soulèvement, si petit qu’il puisse, être, occupera toujours une partie des forces du Directoire et ce sera autant d’ennemis de moins pour l’Angleterre. Mais nous, quoique nous ne devions pas craindre la guerre civile en grand, que je regarde comme la fièvre nécessaire pour consumer les humeurs, nous devons avoir en horreur ces bouffées éphémères, qui épuisent le malade sans détruire la cause du mal. Si, contre toutes les apparences, la coalition se renouvelait, le cas serait différent. Alors, les troupes du Directoire occupées aux frontières ne pourraient comprimer l’intérieur et une nouvelle Vendée pourrait se former. Mais, comment l’espérer ? L’Espagne asservie