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les deux corps présens à Wavre (Ier et IIe) avaient perdu environ 10 000 hommes. Pendant la bataille, beaucoup de soldats ayant servi dans l’armée française, et d’hommes des provinces nouvelles, s’étaient sauvés, au nombre de 6 000 environ. Plusieurs bataillons et compagnies avaient pris, sous le commandement du général von Jagow, le chemin de Gembloux ; en réalité, ils se trouvaient auprès du IIIe corps, mais on ne le savait pas encore à Wavre. Pendant l’obscurité, il avait été impossible d’empêcher les hommes de rester dans les villages, soit par fatigue, soit pour satisfaire leur faim.

« Pouvait-on avec de pareilles troupes affronter un nouveau combat ? Cette question devait, avec bien d’autres, peser lourdement sur l’esprit du major général Gneisenau dans cette matinée du 17. Qu’allait-il arriver si Napoléon entamait la poursuite avec son armée victorieuse ? La situation était bien plus grave que le 16 au matin. L’armée était de nouveau séparée ; on ne savait pas encore si la jonction des IIIe et IVe corps n’allait pas être entravée par l’ennemi. Sans doute jusqu’à midi, on n’avait constaté aucun indice de poursuite venant de Tilly ; mais on ne savait rien non plus de l’approche des deux corps en retard. Et pendant que cette situation apparaissait comme exigeant impérieusement du secours, c’était au contraire Wellington qui, par le lieutenant de Massow qui lui avait été expédié le matin, répondait en demandant d’être secouru lui-même à Waterloo par deux corps d’armée prussiens ; et il ajoutait que sinon il se retirerait sur Bruxelles.

« Depuis la veille, une grande méfiance s’était emparée de Gneisenau à l’égard de Wellington. Il s’était persuadé que le duc n’avait eu que 10 000 hommes devant lui, et qu’il n’avait pas tenu sa promesse de venir à l’aide des Prussiens ; ou bien qu’il avait fourni des renseignemens inexacts sur la réunion de son armée. Pourquoi, après la défaite de ses alliés, ne se repliait-il pas sur eux ? Au lieu de cela, ne songeant qu’à soi, il manœuvrait encore une fois pour ne pas compromettre sa retraite sur ses vaisseaux ; et à cet effet, il réclamait la moitié de l’armée prussienne. Qui oserait garantir qu’il se maintiendrait à-Waterloo ? et dans quelle situation se trouveraient dans ce cas les deux corps envoyés pour le soutenir[1] ?

  1. Napoleons Untergang, p. 372.