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serait transcrite dans la commune d’origine et dans la nouvelle commune.

Le registre serait dorénavant la matrice électorale. À toute époque de l’année, sur sentence du juge de paix, les rectifications seraient permises. Il n’y aurait plus de période d’intangibilité mettant obstacle dix ou onze mois à l’exercice des droits acquis. Au lieu d’une révision hâtive rendant illusoires les vérifications, tout électeur pourrait à toute époque réclamer son inscription. Tout au plus, dans les semaines qui précèdent les élections, à dater du décret convoquant le collège électoral, les inscriptions seraient-elles suspendues pour permettre d’arrêter la liste. Chaque année, le double du registre serait déposé à la justice de paix, tandis que l’autre double demeurerait à la mairie. Entre le maire et le juge cantonal, sous le contrôle des magistrats du parquet, les registres électoraux mettraient en peu d’années l’ordre dans le déplorable chaos de nos listes d’électeurs. Pour la première fois, le droit de l’électeur français serait garanti.

Lorsque le législateur se décidera à entrer dans cette voie, il devra faire un pas de plus. Les cartes d’électeurs, rédigées en quelques jours, à la veille d’une élection, distribuées de porte en porte par le garde champêtre, revenant au maire qui les voit s’accumuler, sont une tentation pour les malhonnêtes gens ; aux cartes banales, il faudrait substituer un extrait du registre transcrit sur un livret électoral, semblable au livret militaire, qui formerait, entre les mains de l’électeur, son titre permanent. C’est en présentant ce livret contenant son signalement et sa signature qu’il serait admis à voter ; c’est à une page du livret que serait apposé le cachet de la mairie attestant qu’à telle date il a usé de son droit civique. La loi militaire a fait entrer dans les mœurs l’usage du livret, et fait comprendre aux citoyens son importance. Le paysan garderait à la meilleure place de son vieux bahut les deux livrets qui serviraient à lui rappeler son double devoir envers la patrie.

L’ensemble de ce système, à la fois simple et pratique, nous était exposé dans ses grandes lignes, il y a un quart de siècle, par un de ceux qui avaient été le plus frappés du vice des listes et de leur révision illusoire. Nous entendons encore M. Dufaure : sa conscience s’indignait en parlant des fraudes électorales ; il tenait à la main les rapports des procureurs généraux, sa voix