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décisif du siècle, » écrivait quelques jours plus tard le duc de Wellington au roi des Pays-Bas.

Voici la version de M. Henry Houssaye, fondée sur les ouvrages allemands d’Ollech, de Damitz, de Delbrück :

« ... A la nuit close[1], pendant que leurs troupes se ralliaient entre la route de Namur et la voie romaine, Zieten, Pirch Ier et d’autres généraux, ne recevant plus aucun ordre, étaient accourus, à Brye, ils croyaient y trouver Blücher... Son état-major n’avait aucune nouvelle de lui ; on ignorait s’il était prisonnier ou libre, mort ou vivant. La consternation régnait ; tous les regards se fixaient, anxieux, sur Gneisenau... Quel parti allait-il prendre ? Voudrait-il abandonner ses lignes de communication sur Namur pour tenter de nouveau de se réunir aux Anglais par une marche parallèle ? Se résignerait-il, pour se replier sur sa base d’opération, à laisser Wellington seul contre l’armée française et à bouleverser le plan de campagne arrêté depuis deux mois ? Gneisenau se tenait à cheval au milieu du chemin qui rejoint au nord de Brye la route de Namur ; à la clarté de la lune, il consultait malaisément sa carte. Après un court examen, il dit : « En retraite sur Tilly et sur Wavre. »

La version du général von Lettow est plus étendue. Elle est accompagnée de détails nouveaux, intéressans, instructifs, sur lesquels l’auteur insiste, parce qu’il est pénétré de l’importance des décisions prises à ce moment.

Contrairement à la tradition et aux récits d’Ollech, de Delbrück..., Lettow affirme que Gneisenau commença par décider la retraite sur Tilly (5 ou 6 kilomètres seulement au nord de Ligny). Il ne se contente pas de donner les raisons qui ont dû pousser le major général à donner cet ordre, notamment l’idée d’assurer la liaison avec l’armée anglaise, et de pouvoir le lendemain livrer une nouvelle bataille avec le concours de Wellington, et celui du corps de Bulow qui n’avait pas pu intervenir à Ligny. Il démontre que cette décision a été bien réellement prise ; et il cite à ce sujet[2] la déclaration, faite en 1845 par le général de corps von Thicle, qui en 1815 était attaché à l’état-major de l’armée prussienne. Von Thiele a affirmé que le 16 juin, entre dix et onze heures du soir, il avait été chargé de porter au général von Thielman, commandant le IIIe corps,

  1. 1815. Waterloo, p. 232.
  2. Napoleons Untergang, p. 338.