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rempli les fonctions de chef d’état-major dans un corps d’armée ; l’habitude de ce service ne lui manquait pas moins que les qualités d’application et d’exactitude qu’il faut y apporter... »

Le général von Lettow de son côté affirme que « l’absence de Berthier[1] dans le poste de major général constitua une perte grave. La manière de donner les ordres de Napoléon rendait ce poste particulièrement difficile. Berthier s’y était acquis une grande expérience. Soult au contraire manquait d’expérience sur ce terrain ; il n’avait été que peu de temps dans l’état-major d’une division... »

Dans son compte rendu de l’ouvrage de Lettow, la section historique de notre état-major de l’armée ne partage pas l’opinion de Lettow sur l’importance de la disparition de Berthier : « Dans larmée impériale, le rôle du chef d’état-major consistait généralement à paraphraser les ordres de l’Empereur ; même sur les plus infimes rapports, la décision impériale est écrite littéralement ; et la tâche du chef d’état-major consiste à la faire recopier... »

Enfin, le général Derrécagaix, dans son grand ouvrage sur Berthier[2] dont la première partie a paru en 1904, montre en sa préface, « qu’au milieu des grands événemens qui ont agité sa vie, Napoléon n’a jamais voulu se séparer de Berthier. Il lui a confié les missions les plus délicates, lui a remis plusieurs fois le commandement de ses armées, obligeant ainsi ses maréchaux à lui obéir. Et quand, au déclin de sa gloire, vaincu à Waterloo, il a laissé sa pensée errer sur les causes de sa défaite, il n’a pu s’empêcher de s’écrier : « Si j’avais eu Berthier, je n’aurais pas subi ce malheur. » Il l’avait pourtant remplacé par Soult, un de ces hommes de guerre que l’opinion élève d’habitude au-dessus de Berthier. »

Pour moi, en ce qui concerne spécialement le mouvement du corps d’Erlon, je croirais volontiers qu’il aurait réussi, si Berthier s’était trouvé là pour faire assurer l’exécution de l’ordre de l’Empereur, ce qui était du reste bien facile. Mais, sans insister sur ces questions de personnes, sur le degré de responsabilité qui revient à chacun, je me bornerai à retenir la constatation irréfutable que cette première cause grave, décisive, de nos désastres a été provoquée par une faute d’état-major.

  1. Napoleons Untergang, p. 230.
  2. Le Maréchal Berthier. Librairie militaire, Chapelet et Cie.