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prochement que tous les bons esprits désiraient à Paris et à Rome, s’est donné pour tâche de dissiper les malentendus qui pesaient sur la politique des deux pays dans la Méditerranée. Il y a réussi, et tout le monde sait qu’il a été question du Maroc dans les vues qui ont été échangées à ce moment. Les projets de la France n’ont porté aucun ombrage au gouvernement italien, pas plus que les projets que l’Italie pouvait ultérieurement former sur un autre point de l’Afrique septentrionale n’ont porté aucun ombrage à la France. Il a été reconnu de part et d’autre que nos intérêts respectifs, tels que nous nous les étions mutuellement exposés, ne devaient entrer nulle part en conflit, et cette constatation loyale a bientôt ravivé entre deux nations de même race les fortes sympathies d’autrefois. On peut donc dire que M. Visconti-Venosta aura à surveiller à Algésiras son œuvre même et ses conséquences, en quoi il rendra un nouveau service à la paix du monde. Il le fera certainement avecles ménagemens habiles que la situation comporte. Nous n’oubhons pas que si l’Italie est notre amie, elle est l’alliée de l’Allemagne, avec cette circonstance particulière toutefois que notre amitié réciproque s’est renouée après entente sur les questions méditerranéennes, tandis que l’alliance allemande s’applique à d’autres objets. M. Visconti-Venosta est homme à tout concilier, pourvu qu’on s’y prête de part et d’autre avec une égale bonne volonté, et la nôtre n’est pas douteuse, dans la limite de nos intérêts essentiels.

Nous ne dirons pas une fois de plus ce qu’ils sont. Le Livre Jaune et la Déclaration faite par M. Rouvier, le 16 décembre dernier, les ont très suflisamment établis. Mais, depuis lors, a paru le Livre Blanc allemand : nous doutons que, dans l’esprit des puissances, notre bon droit en ait été obscurci.

On avait dit d’avance que ce recueil de documens avait été composé avec soin, en vue de ne pas fournir d’alimens à des polémiques inutiles et fâcheuses : il n’a pourtant pas fait autre chose. Tout l’intérêt en est rétrospectif. Les négligences de M. Delcassé et les paroles attribuées très légèrement à M. Saint-René Tallandier, qui les a démenties, y occupent la plus large place. En vérité, au point où nous en sommes, il importe bien peu que M. Delcassé ait ou n’ait pas officiellement communiqué à l’Allemagne l’arrangement anglo-français du 8 avril 1904. Cet arrangement a d’ailleurs été communiqué plus tard par M. Rouvier, sans qu’aucune modification appréciable se soit produite alors dans l’attitude de l’Allemagne à notre égard. Les prétentions et les procédés de celle-ci sont restés les mêmes, et nous