Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les conseils municipaux et que ceux-ci ont été élus à un moment où certaines fautes politiques, susceptibles d’agir vivement sur l’esprit public, n’avaient pas encore été consommées : par exemple, la séparation de l’Église et de l’État. Il en résulte que le corps électoral, comme l’administration elle-même, obéit à des suggestions déjà anciennes, en vertu d’une sorte de vitesse acquise. Les préfets, les sous-préfets ont déployé un beau zèle, avec la même ardeur et dans le même sens qu’ils auraient pu le faire si M. Combes avait été encore au pouvoir. C’est avec regret, mais sans surprise, que nous constatons cette persistance du jacobinisme administratif. Surpris, comment pourrions-nous l’être ? Lorsque M. Étienne a quitté le ministère de l’Intérieur et qu’il y a été remplacé par M. Dubief, tout le monde a compris que c’était là une satisfaction et un gage qu’on avait voulu donner aux radicaux-socialistes. C’était en même temps un encouragement à l’administration préfectorale de persévérer ou de rentrer dans la voie où M. Combes l’avait engagée, mais où l’arrivée de M. Rouvier et de M. Etienne aux affaires l’avait fait un moment hésiter. On voit quels obstacles les libéraux ont eu à vaincre aux élections du 7 janvier. Ils les ont cependant vaincus. Dans les conditions où elle s’est produite, cette victoire restreinte est infiniment honorable, et il est permis d’y voir une promesse d’avenir. En attendant, la situation reste ce qu’elle était, et c’est ailleurs que dans les élections sénatoriales qu’il faut chercher des indications ou des pronostics pour la suite des événemens. Malheureusement, ces indications sont confuses, où qu’on les prenne. Les deux élections des présidens de la Chambre et du Sénat ne pouvaient avoir une signification nette que si la première s’était produite à une grande majorité. Nous ne parlons pas de la seconde. M. Fallières n’avait pas de concurrent à la présidence du Sénat. Il venait d’être réélu sénateur du Lot-et-Garonne le premier de sa liste et à une grande majorité, ce qui prouve, soit dit en passant, qu’il n’avait nullement besoin du concours que MM. André et Pelletan sont venus apporter à sa candidature. Il a donc été réélu à la présidence du Sénat : toutefois il n’a obtenu que 173 voix, et il y a eu un nombre considérable de bulletins blancs. Mais, nous le répétons, l’intérêt principal était à la Chambre. On se demandait si M. Doumer y serait réélu, et, s’il l’était, à combien de voix il l’emporterait sur son concurrent, car il devait, lui, en avoir un, et on s’attendait à une chaude bataille.

Il devait avoir un concurrent : mais qui ? Les radicaux-socialistes ont caché leur candidat jusqu’au dernier moment, dans l’espoir sans