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il recevait encore le paiement d’une Nativité, et le milieu de 1526, où le peintre Pietro Carpaccio se disait « fils du défunt Vettore. » D’autre part, les recherches de Ludwig ont définitivement tranché le débat, déjà très ancien, et assez compliqué, qui s’était élevé sur la question du lieu de naissance de Carpaccio et de ses origines. Le nom de « Carpathus, » dont le vieux maître a presque toujours signé ses tableaux, et peut-être aussi ce caractère exotique, manifestement oriental, qui nous frappe dans quelques-unes de ses compositions, tout cela avait depuis longtemps suggéré l’idée que Carpaccio, comme maints de ses confrères de l’école vénitienne, pouvait bien avoir été d’origine étrangère. Et l’hypothèse avait failli se changer en certitude, lorsqu’un savant chanoine de Capo d’Istria avait établi que, pendant plusieurs siècles, une famille de « Carpaccio » avait habité cette ville. Aussi bien se trouvait-il que les églises de Capo d’Istria contenaient plusieurs œuvres, dûment signées, du maître vénitien, en même temps que la série à peu près complète de l’œuvre, d’ailleurs fort médiocre, de l’un de ses fils. Mais les documens mis au jour par Ludwig ne laissent rien subsister de cette hypothèse, qui, je l’avoue, n’avait pas manqué jusque-là de me séduire tout particulièrement. Il ne nous est plus possible, désormais, de considérer le peintre de l’Histoire de sainte Ursule comme ayant aucun rapport avec ces lointaines Carpathes que nous évoque son nom. Carpathus est, simplement, une adaptation latine du nom, très vénitien, de Scarpazza, que portaient, à Venise les obscurs ancêtres du grand peintre. Et rien ne prouve même que celui-ci soit jamais allé à Capo d’Istria : c’est son fils, Benedetto, qui y est allé, et qui sans doute s’y sera marié, y aura fondé la famille en question.

Un petit bourgeois vénitien : tel nous apparaît Carpaccio, d’après les quelques pièces d’archives où figure son nom. Né à Venise, c’est à Venise qu’il a passé toute sa longue existence de soixante-dix ans. Dans ses dernières années, en vérité, sa renommée est un peu sortie du cercle étroit de ces scuole dont il avait été longtemps le peintre favori : car nous savons que, depuis 1501, il a travaillé au Palais des Doges, et que même, le 11 décembre 1508, on lui a fait l’honneur de le charger, avec son vieux maître Lazzaro Bastiani, d’expertiser les fresques que venait de peindre, sur la façade du Fondaco dei Tedesclii, le jeune « maistro Zorzi da Castel Francho. » Mais, jusqu’à la fin de sa vie, c’est dans le petit monde bourgeois de sa ville qu’il paraît avoir eu ses fréquentations : car tantôt nous le voyons figurer comme témoin en compagnie de modestes boutiquiers vénitiens, tantôt une