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M. le directeur de l’Opéra-Comique nous a donné : la déjà longue et peut-être décevante habitude !


La Coupe enchantée, avant les Pêcheurs de Saint-Jean, plut beaucoup. Après, par contraste, elle eût charmé peut-être encore davantage. L’esprit de finesse, avec un soupçon de poésie, de sensibilité même, anime l’opuscule, — nous ne disons pas l’opérette, — de M. Gabriel Pierné.

Vous connaissez l’histoire de la coupe magique, où venaient tremper leurs lèvres les maris curieux. Elle se laissait boire par ceux qui n’avaient souffert nulle injure. Mais elle faisait jaillir, jusques au front des autres, quelques gouttes de son vin révélateur. Ayant été naguère au nombre des époux malheureux, le possesseur de la coupe avait élevé son fils, pour le préserver du même accident, loin du sexe par lequel il arrive. Mais, si bien gardé que fût le jouvenceau, deux jouvencelles un jour s’offrirent à sa vue. Comment, sensible d’abord à toutes deux, il choisit l’une d’elles pour femme, voilà, — sans oublier la scène de la consultation donnée à deux ridicules maris par la coupe devineresse, — voilà tout l’argument de cette aimable comédie.

Il a bien du talent, M. Pierné. Il en a dans les grandes occasions, rappelez-vous la Croisade des enfans, l’an passé. Il en a, comme ici, dans les plus petites. La musique de la Coupe enchantée a ce mérite, d’abord, qu’elle est, avec autant de justesse que de légèreté, la musique du sujet et des personnages, des situations et des mots. En outre, et surtout, elle est de la musique, tout simplement, ou tout court. Et je crois bien que ces deux élémens, poetical et practical, comme nous disions tout à l’heure, se mêlent et se confondent toujours. Pour la facilité de la critique, il peut arriver qu’on les sépare. Mais ils se rejoignent d’eux-mêmes, ils ne font et ne sont qu’un. La musique, en dernière analyse, n’est jamais « poétique, » entendez qu’elle n’exprime ou ne traduit jamais rien, ni la pensée, ni le sentiment, ni la parole, qu’à la condition d’être ou plutôt parce qu’elle est, en soi, de bonne musique. Et tel est le cas de la musique de M. Pierné.

Elle a, d’un bout à l’autre de ce petit acte, de la grâce et de l’esprit, un esprit que parfois la sensibilité tempère et n’est pas loin d’attendrir ; esprit et grâce des mouvemens et des rythmes, des mélodies, des modulations et des timbres. D’un son, d’un seul, comme « d’un mot, mis en sa place, » M. Pierné sait le pouvoir. Il lui suffit d’une syncope de cor pour rendre plus mystérieuse et plus lointaine la chanson d’un jeune désir. Une nota de flûte, grave et prolongée un moment, donne