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troupes se sont brisés contre la résistance des Anglais ; notre droite est débordée par les Prussiens. Sur le signal de Wellington, les Anglais se redressent et prennent l’offensive pendant que les Prussiens envahissent les derrières du champ de bataille. Notre défaite est complète et se transforme en déroute.

Le maréchal de Grouchy ne réussit ni à empêcher la jonction des Prussiens et des Anglais, ni à apporter l’appoint de ses troupes à Napoléon.

Cette courte analyse suffit pour montrer que, parmi les causes qui ont amené le désastre, il y en a trois dont l’influence a été capitale, décisive, sur l’issue de la campagne : l’inutilité du corps d’Erlon le 16 juin ; les décisions énergiques prises les 17 et 18 juin par les chefs des armées alliées, malgré la défaite de Ligny ; la non-réussite de la mission confiée par l’Empereur au maréchal de Grouchy.

Nous allons examiner — sans oublier les appréciations de M. Henry Houssaye — quelles conclusions on peut tirer des nouveaux renscignemens fournis sur ces trois points par le général von Lettow, dans Napoleons Untergang.


I

À quoi sont dues les marches et les contremarches du corps d’Erlon, le jour de Ligny ? Comment les faits se sont-ils passés exactement ? Les historiens émettent des versions différentes. Ils sont divisés même sur le nom de l’officier qui a porté l’ordre de l’Empereur amenant la marche du corps d’Erlon vers le champ de bataille de Ligny. La teneur exacte de cet ordre n’est pas connue.

En s’appuyant sur les archives françaises, Lettow donne le texte d’un premier ordre expédié, vers une heure de l’après-midi, de Fleurus au maréchal Ney, par le major général prescrivant à ce maréchal, au nom de l’Empereur, de presser vigoureusement l’ennemi qu’il avait devant lui à Quatre-Bras ; puis de se rabattre sur l’adversaire que l’Empereur allait attaquer vers Ligny, de manière à l’envelopper.

Vers trois heures et un quart, la bataille de Ligny étant commencée, un second ordre plus formel fut envoyé au maréchal Ney, pour lui prescrire de manœuvrer, sur-le-champ, de manière à envelopper l’aile droite des Prussiens, et à tomber sur leurs