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valeur psychologique et morale que s’il est. le résultat d’un travail intime, d’un progrès de sentimens ; il perd toute signification, s’il a été causé uniquement par une brusque commotion nerveuse. Après le quart d’heure passé au rendez-vous de Passy, Thérèse revient à jamais guérie de l’adultère et de ses joies : avouez qu’on le serait à moins ! Et comme on comprend l’excellente impression que lui fait le retour à la maison conjugale ! C’est l’impression de soulagement qui succède, après le danger, aux affres de la peur. Voici au moins une maison où elle est sûre qu’il n’y a pas de sicaires embusqués derrière les portes. Voici un salon où elle peut se reposer sans émoi : on n’assassine pas dans la pièce à côté. Ce mari avec qui elle cause, c’est un homme de tout repos et pour ou contre qui personne ne conspire. Cette belle-mère, cette fille, ces amis ne songent qu’à lui faire une vie plus entourée, une existence plus complète et plus calme. Ah ! la saine atmosphère ! Comme on y respire à l’aise ! L’épanouissement de l’âme y commence par la sensation d’un bien-être physique.

Par suite encore de cette prédominance des situations, les êtres disparaissent ici devant les choses et les caractères ne s’aperçoivent plus dans l’ombre des événemens. Chacun des personnages n’est indiqué que d’un trait sommaire. Un rôle dont on eût aimé à trouver une étude un peu poussée, est sans doute celui de Thérèse. Mais c’est à peine s’il est esquissé, d’une façon volontairement indécise et vague. Qui est cette femme et par quels traits se distingue-t-elle de n’importe quelle autre héroïne de théâtre ? Est-ce l’imagination, est-ce la sensibilité qui domine chez elle et qui risque de la perdre ? En quoi consiste la crise qui vient de se déclarer dans son existence, et comment a-t-elle été préparée ? Comment se fait-il qu’une femme dont la conduite a été jusqu’alors irréprochable, qui est arrivée à la maturité, qui sent autour d’elle les liens de tant de devoirs, se trouve soudain si près de la faute ? Quelles déceptions, quelles révoltes, quelles souffrances l’ont amenée au bord de l’abîme ? Nous n’en savons rien et nous sommes libres de suppléer, comme il nous plaît, à toutes les indications que nous a refusées l’auteur. C’est qu’en effet celui-ci n’a pas cherché à faire un drame de psychologie, et que, dans les circonstances telles qu’elles sont groupées, il importe à peine que l’héroïne ait telle nature ou telle autre. Faut-il parler du roi des Balkans ? Nous ne savons devant lui si nous devons trembler ou nous sentir en confiance. Ce galant homme que nous avons vu tout à l’heure si respectueusement tendre avec une vieille dame pour qui il a brûlé de feux ardens et chastes, se peut-il qu’il ait commis toutes les atrocités