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par des professionnels, mais par des mondains, on ne pouvait compter que tous ceux qui y prendraient part sauraient d’avance une longue chanson ; il leur fallait pourtant chanter quelque chose, tandis qu’ils dansaient en ronde autour des deux ou trois acteurs principaux ; pour occuper les intervalles où ceux-ci s’arrêtaient de chanter, ils chantèrent donc quelques vers, à peu près toujours les mêmes, et que chacun savait par cœur ; ceux-ci, par exemple :

C’est la jus en la praiele[1], — ou : C’est la jus en la ramee[2], — ou : C’est la jus en la roi pree[3], — ou : C’est la jus en mi le pré[4], — ou : C’est la jus ou glaioloi[5], — ou : C’est tout la jus en cel boschage[6]...

Vers bons à tous les emplois, qui s’intercalaient, vaille que vaille, dans une chanson de danse quelconque :


Dieus ! vez les ci les douz braz !
C’est tot la jus desoz l’olive...
Dieus ! vez les ci les douz braz !
La fontenele i sordoit serie...


A mon sens, le couplet de Bele Aelis est simplement le plus employé de ces passe-partout, ce qui explique que Bele Aelis ait représenté pour les prédicateurs la Danse elle-même, et toutes ses abominations. Ces vers étaient réservés aux danseurs qui formaient le chœur, tandis que se déroulait une scène de balerie : devant eux, au milieu de la ronde, une danseuse figurait Bele Aelis, et c’était Bele Aelis elle-même qui se chargeait, par sa pantomime et par ses chansons, d’achever son aventure. Le chœur, entremêlant aux chants de la danseuse les vers traditionnels, disait comment elle se lève matin, se fait belle, descend dans un jardin, y trouve cinq fleurettes, en fait un chapelet. Le symbolisme de ce chapelet, la dame de Lucembour nous a appris tout à l’heure à le comprendre. Le galant qu’Aelis appelle par là se présente, et la scénette se prolongeait soit par le jeu du chapelet, soit, selon les occasions, par tout autre jeu mimé à deux ou trois personnages. Le couplet de Bele Aelis servait seulement

  1. Bartsch, Romances, II, 93.
  2. Motets, I, 198.
  3. Bartsch, Romances, p. 378.
  4. P. Heyse, Rom. inedita, p. 57.
  5. Guillaume de Dole, V. 329.
  6. Bartsch, Romances, II, 122.